î3'2 DU CONTRAT SOCIAL
raison contraire, obliger le souverain envers lui- même, et que par conséquent il est contre la nature du corps politique que le souverain s'impose une loi qu'il ne puisse enfreindre. Ne pouvant se considérer que sous un seul et même rapport, il est alors dans le cas d'un particulier contractant avec soi-même ; par où l'on voit qu'il n'y a ni ne peut y avoir- nulle espèce de loi fondamentale obligatoire pour le corps de peuple, pas même le contrat social (*). Ce qui ne signifie pas que ce corps ne puisse fort bien s'engager
(*) Le corps social reste donc absolument libre de modifier les lois qu'il s'était d'abord imposées et même de remettre en question le pacte fondamental qu'il avait conclu. Rousseau reprendra et précisera plus loin cette importante théorie. — Elle a soulevé de nombreuses objec- tions. C'est reconnaître à l'Etat, a-t-on dit, une puissance sans limite et oublier qu'il y a des obligations morales, des règles de justice et d'équité, que la société elle-même ne peut pas rejeter. (Voir notamment Paul Janet, Ris, t. de la se. pol., II, p. 004 et suiv.). Mais ce qu'examine ici Rousseau, ce sont les conditions nécessaires qui déterminent la constitution d'un peuple, et le principe qu'il énonce ici me paraît inévitable. Si ce sont les individus qui décident du pacte social et des lois, il est bien évident qu'ils peuvent toujours changer de volonté, et par suite modifier et même abolir leurs premières conventions, si la majorité le veut. C'est là une nécessité de fait contre laquelle aucune consi- dération de droit ne peut prévaloir. — Maintenant, que les individus, en décidant de leur organisation sociale, doivent toujours se guider d'après certains principes moraux ; que l'intérêt et la raison doivent les empêcher de faire un mau- vais usage de leur absolue liberté, rien de plus juste : Rous- seau le reconnaît et le proclame lui-même ailleurs (voir II, ch. iv). Mais ce n'est pas de cela qu'il est ici question et Rousseau était fondé, je crois, à déduire de l'idée du contrat social le dogme de la toute-puissance du peuple souverain.
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