Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/22

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cher à Rousseau d'avoir fait « de la métaphysique » et de ne pas s'être appuyé sur les laits, c'est méconnaître l'objet même qu'il se proposait.

Déterminer a priori les conditions d'existence de toute société rationnellement organisée d'après les prin- cipes du droit naturel, tel est donc le but du Contrat social. On voit que la méthode de l'ouvrage est logique- ment exigée par le problème posé et que c'est là, comme le disait Rousseau lui-même, un problème « pour tous les temps (*) », le plus haut et le plus important qui se puisse concevoir. Il reste à étudier comment ce programme a été rempli et d'abord à établir les principes du droit naturel dont se déduit toute la théorie de l'État.

§ 2. — L'ÉTAT DE NATURE ET LE DROIT NATUREL

« Voici, dans mes vieilles idées, le grand problème en politique.... : trouver une forme de gouvernement qui mette la loi au dessus de l'homme. » (Lettre au Marquis de Mira- beau, 26 juillet 1767.)

Montesquieu, dans V Esprit des Lois, avait pris pour point de départ les lois positives et il avait cherché à déterminer les conditions physiques, sociales et psycho- logiques qu'impliquait nécessairement chacune d'elles ; c'est ainsi qu'il donnait respectivement pour principes à la démocratie, à la monarchie et au despotisme trois sentiments, la vertu, l'honneur et la crainte : partant des lois, il cherchait donc ce que l'homme devait être pour s'y accommoder. Rousseau renverse la méthode : il veut prendre « les hommes tels qu'ils sont et les lois telles qu'elles peuvent être (-) ». Les données, invaria-

l'étend de la détermination des fins de la vie sociale, pour laquelle elle est souveraine, à la détermination des moyens, pour laquelle elle est souverainement impropre. »

(') Lettre à Rey, 7 nov. 1761.

(?) C. s., av. -propos.