Hors ce contrat primitif, la voix du plus grand nombre oblige toujours tous les autres ; c’est une suite du contrat même [1]. Mais on demande comment un homme peut être libre et forcé de se conformer à des volontés qui ne sont pas les siennes. Comment les opposants sont-ils libres et soumis à des lois auxquelles ils n’ont pas consenti ?
Je réponds que la question est mal posée. Le citoyen consent à toutes les lois, même à celles qu’on passe malgré lui, et même à celles qui le punissent quand il ose en violer quelqu’une. La volonté constante de tous les membres de l’État est la volonté générale ; c’est par elle qu’ils sont citoyens et libres [2]. Quand on propose une loi dans l’assemblée du peuple, ce qu’on leur demande n’est pas précisément s’ils approuvent la proposition ou s’ils la rejettent, mais si elle est conforme
- ↑ La volonté générale se trouve donc en fait la volonté de la majorité : Rousseau va justifier cette autorité donnée à la majorité. Il y voit une conséquence évidente du pacte social. En effet, par ce contrat, qui exige l’unanimité, les citoyens se sont tous reconnu un droit égal à exprimer la volonté générale ; chaque membre est « partie indivisible du tout ». Dès lors, il suffit de compter les voix. L’obligation de se soumettre à la loi de la majorité fait implicitement partie de l’engagement pris par chacun, lors du pacte social.
- ↑ (a) À Gênes, on lit au devant des prisons et sur les fers des galériens ce mot Libertas. Cette application de la devise est belle et juste. En effet, il n’y a que les malfaiteurs de tous états qui empêchent le citoyen d’être libre. Dans un pays où tous ces gens-là seraient aux galères, on jouirait de la plus parfaite liberté (Note de Rousseau).