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[1]

éphores : le lendemain, par édit public, il fut permis aux Samiens d’être des vilains. Un vrai châtiment eût été moins sévère qu’une pareille impunité. Quand Sparte a prononcé sur ce qui est ou n’est pas honnête, la Grèce n’appelle pas de ses jugements.


CHAPITRE VIII

DE LA RELIGION CIVILE

Les hommes n’eurent point d’abord d’autres rois que les dieux, ni d’autre gouvernement que le théocratique [2]. Ils firent le raisonnement de Caligula [3], et alors ils raisonnaient juste. Il faut une longue altération de sentiments et d’idées pour qu’on puisse se résoudre à prendre son semblable pour maître, et se flatter qu’on s’en trouvera bien.

De cela seul qu’on mettait Dieu à la tête de chaque société politique, il s’ensuivit qu’il y eut autant de dieux que de peuples. Deux peuples étrangers l’un à l’autre, et presque toujours ennemis, ne purent longtemps reconnaître un même maître ; deux armées se livrant bataille ne sauraient obéir au même chef. Ainsi, des divisions nationales résulta

  1. la singulière précaution de substituer le nom de Samos à celui de l’île de Chio, où Plutarque place le théâtre de cette anecdote (Dits notables des Lacédémoniens).
  2. Gouvernement où la puissance appartient aux prêtres.
  3. Cf. I, ii, p. iii.