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50 INTRODUCTION

volontaire. Il en est réduit à espérer en la vertu, le patriotisme et le désintéressement personnel du ou des maîtres qu'il s'est donnés. De sorte que son lâche sacri- fice nous apparaît sans résultat : la réalité de sa liberté se trouve encore de nouveau suspendue à une condi- tion morale, et aune condition plus difficile et plus rare, car il est sans doute moins chimérique d'espérer con- vaincre la majorité d'un peuple de ses vrais intérêts ô^ue de persuader un souverain absolu de sacrifier ses inté- rêts propres à ceux de son peuple.

Si l'on ne peut ni limiter la souveraineté du peuple ni la lui ravir pour la confier à un chef, peut on du moins la diviser et l'anéantir du même coup ? C'est, à peu près, la solution de Montesquieu, et les défenseurs contempo- rains du a libéralisme » la reprennent. « Il n'y a pas de souveraineté, » disait Royer-Collard et ont répété après lui plusieurs critiques de Rousseau, St-Marc Girardin (*), M. Faguet ( 2 ), etc. : nulle autorité ne doit être sou- veraine, pas plus celle du peuple que celle d'un chef ; l'objet de la politique, c'est de faire vivre côte à côte des appétits, des intérêts et des passions distinctes, en neutralisant les uns par les autres et en protégeant par cet ingénieux équilibre tous les droits individuels. Le dogme de la « division des pouvoirs» devient la pierre angulaire de toute constitution libérale. — Mais, comme le disait très fortement Rousseau, si l'on peut bien, à la rigueur, diviser le pouvoir « dans son objet », il est impossible de le diviser « dans son principe ( 3 ) » : pour assurer et pour maintenir ce balancement de pouvoirs rivaux, il faut un pouvoir suprême, un véritable souve- rain, qui ne peut être qu'un chef, une assemblée ou un peuple. De sorte que la division des pouvoirs peut bien être considérée comme un excellent moyen pratique pour

(*) Ouv. cit., t. II, p. 406.

( 2 ) Ouv. cit., ch. xi, p. 285 et suiv.

(«) C. s., II, ii.

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