Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

58 INTRODUCTION

par la raison et par le sentiment, voilà bien l'idée essentielle et originale de Rousseau : on voit que \e Contrat est par suite une des pièces les plus impor- tantes de son système.

La manière dont est posé le problème du droit poli- tique dans le Contrat porte encore la marque person- nelle de Rousseau et ne s'explique que par son caractère et sa vie. « L'homme est né libre, et partout il est dans les fers » : il s'agit de rendre l'autorité légitime, c'est-à- dire de poser les principes d'une société où un homme de la nature puisse consentir à vivre sans rien abdiquer de ses droits naturels, d'une société par conséquent fondée sur la liberté et sur l'égalité. De prime abord, Rousseau se place en face des autorités établies et, les trouvant fondées sur la force, la guerre ou l'esclavage, les proclame illégitimes et leur refuse implicitement son obéissance. Peut-être Rousseau n'a-t-il pas lui-même senti tout ce qu'il y a de nouveau, de hardi, de révolu- tionnaire, rien que dans cette manière de poser la ques- tion : il s'est maintes fois défendu (*) d'avoir voulu porter la moindre atteinte aux lois et aux gouverne- ments établis ; il s'est étonné un peu naïvement que des doctrines antérieurement professées par Locke ou même Montesquieu aient fait scandale quand il les reprenait à son tour ( 2 ) : il n'a pu faire que des mots presque inoffensifs auparavant n'aient pris brusque- ment dans sa bouche un accent tout nouveau, parce qu'il était Rousseau, parce qu'il parlait avec sa passion de l'indépendance et sa fierté de «républicain ( 3 ), » et n'invoquait d'autre autorité que celle de la nature et de la raison. C'est bien ainsi que le monde l'a entendu

��i 1 ) Notamment: Lettres de la Montagne, iv ; Confessions (1756), II, ix; Rousseau juge de J.-J., 3 e dial.; etc.

( 2 ) 6 e Lettre de la Montagne, p. 388.

( 3 ) Lettre à Rey, 29 mai 1862; C.S., préf.; etc.

�� �