Page:Rousseau - Du Contrat social éd. Beaulavon 1903.djvu/76

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66 INTRODUCTION

cées. Toutes ces sources avaient donc fini par être relativement peu distinctes et il n'importe plus autant de savoir à laquelle Rousseau a directement puisé.

D'autant qu'il n'est absolument pas vrai que le Contrat social soit déjà tout entier contenu, comme on l'a mainte fois affirmé, dans les œuvres d'aucun des prédécesseurs de Rousseau. S'il est vrai qu'on trouve chez plusieurs d'entre eux l'une ou l'autre des théories du Contrat, la combinaison qu'en a faite Rousseau, l'esprit nouveau qu'il leur a imposé, les conclusions qu'il en a tirées ne se trouvent ni chez Althusius, ni chez Jurieu, ni chez Locke : elles sont originales et neuves. Montrons brièvement en quoi Rousseau se distingue ainsi de tous ses prédécesseurs.

D'abord, dans toutes les théories antérieures, impli- citement ou explicitement, il était toujours question d'un double pacte ou contrat social (*) : i° un contrat d'association par lequel tous les individus s'engagent les uns vis-à-vis des autres et forment un même corps politique; 2° un contrat des sujets avec leurs chefs, contrat qui légitime et limite en même temps la puis- sance de ceux-ci. Chez Jurieu et chez Locke lui-même, il y a « pacte mutuel entre le peuple et le souverain (-) ». Qu'on renforce l'autorité du souverain, comme ie fait Hobbes, qu'on restreigne au contraire étroitement la puissance du prince, comme le fait Locke, tous n'en conçoivent pas moins le prince comme une puissance distincte, qui émane bien du peuple, mais avec laquelle cependant le peuple doit traiter. — Pour Rousseau, il n'y a qu'un seul et unique contrat, le pacte de tous avec tous, qui est le contrat social proprement dit. Ce pacte en exclut nécessairement tout autre, car, en s'aban- donnant à « la suprême direction de la volonté géné-

I 1 ) Voir notamment Gierke, Althusius, II, n. ( 2 ) Jurieu, Lettres pastorales, XVI, v; Locke, Essais sur le gouv. civil, chap. VII, XIII, etc.

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