Page:Rousseau - Du contrat social, 1772.djvu/277

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Ne croyez pas que je puisse jamais perdre le souvenir de cette généreuse & confiante amitié en repassant dans mon esprit les cruautés que j’ai éprouvées dans la société des hommes, les bienfaits que j’ai reçu de vous viendront en adoucir le ressentiment; je m’en entretiendrai souvent, non pas avec des Êtres vils, orgueilleux & pervers, mais avec les ours, les tigres & les panthères, dont la douceur & l’innocence n'empoisonneront point mes discours. Sages ennemis de ces prodiges honteux de l’imagination & de l’ambition des hommes, de ces instruments odieux de la tyrannie & du despotisme, de ces loix enfin, qui ont enfanté tous les crimes en étouffant toutes les vertus, on peut avec eux, sans crainte d'oppression, pratiquer la vertu & dire la vérité: ils n’ont d’autres loix que celles de la liberté; ils ne peuvent méconnoitre les droits précieux & inébranlables de l'égalité. Là je n’aurai plus devant les yeux des Ministres sans foi & dégradés par un vil intérêt; des hommes lâches & cruels comblés d’honneur & de gloire,