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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/110

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somme de volontéis particulieres: mais otez de ces mémes volontés les plus ·et les moins qui s’entre-détruisent (a), rcste pour somme des di6érences la volonté générale (1). Si, quand le peuple sufiisamment informé délibére, les citoyens n°avaient aucune communication entre eux, du grand nombre de petites différences résulterait toujours la volonté générale, et la délibération serait toujours bonne. Mais quand il se fait des brigues (2), des associations partielles aux dépens de la grande, l volonté de chacune de ces associations devient générale par rapport a ses membres, et particuliére par rapport a l’liZtat : on peut dire alors qu’il _ n’y a plus autant de votants que d’hommes, mais seulement autant que d’associations. Les différences deviennent moins nombreuses et donnent un résultat moins général. Enfin, quand une de ces associations est si grande qu’elle l’emporte sur toutes les autres, vous n’avez plus pour résultat une somme de petites différences, mais une différence unique; alors il n’y a plus de volonté générale, et l’avis qui l’emporte n’est qu’un avis particulier.

Il importe donc, pour avoir bien l’énoncé de la volonté générale, qu’il n’y ait pas de société partielle dans l’Etat,

(a) ¤ Chaque intérét, dit le marquis d’A..., a des principes dilférents. L’accord de deux intéréts particuliers se forme par opposition a celui d’un tiers. » ll cut pu ajouter que l’accord de tous les intéréts se forme par oppo- sition it celui de chacun. S’il n’y avait point d’inté1·éts différents, a peine scntirait-on l’intérét commun, qui ne trouverait jamais d’obstacle; tout irait de lui-meme, et la politique cesserait d’étre un art. (Note du Contrat social, édition de 1762.)

(1) R. 7• Lettre de la Montague. — Dans tout Etat la loi parle ou parle le souverain. Or, dans une démocratie oi1 le peuple est souverain, quand les divisions intestines suspendent toutes les formes et font taire toutes les autorités, la sienne seule demeure : et ou se porte alors le plus grand nombre, lh résident la loi et l’autorité.

(2) Platon, la République, liv. V. — Le plus grand mal d’un Etat,n’est-ce pas ce qui le divise? et d’un seul en fait plusieurs? Et son plus grand bien, au contraire, n’est-ce pas ce qui en lie toutes les parties et le rend un ?... Qu’il arrive A un particulier du bien ou du mal, tout l’Etat y prendra part comme s°il le ressentait _lui-meme, il s’en réjouit et s’en afHige1ui·meme. Cela doit etre dans tout Etat bien gouverné.