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LIVRE II. — CHAP. VI. 67

ni comment on est libre et soumis aux lois, puisqu’elles ne sont que des registres de nos volontés[1].

On voit encore que, la loi réunissant l'universalité de la volonté et celle de l’objet, ce qu’un homme, quel qu’il puisse être, ordonne de son chef n’est point une loi[2] : ce qu’ordonne même le souverain sur un objet particulier n’est pas non plus une loi, mais un décret ; ni un acte de souveraineté, mais de magistrature[3].

J’appelle donc république tout État régi par des lois[4],




    ligue naturelle que celle des forts ; et ce qui fait la faiblesse des faibles est de ne pouvoir se liguer ainsi. Tel est le destin du peuple, d’avoir toujours au dedans et au dehors ses parties pour juges. Heureux quand il en peut trouver d’assez équitables pour le protéger contre leurs propres maximes, contre ce sentiment si gravé dans le cœur humain, d’aimer et favoriser les intérêts semblables aux nôtres !

  1. R. Manuscrit de Neuchâtel (n• 7840). — 0n est libre quoique soumis aux lois, non quand on obéit à un homme, parce qu’en ce dernier cas j`obéis à la volonté d’autrui, mais en obéissant à la loi je n’obéis qu’à la volonté publique qui est autant la mienne que celle de qui que ce soit. D’ailleurs un maitre peut permettre à l’un ce qu’il défend à l’autre, au lieu que la loi, ne faisant aucune exception, la condition de tous est égale et par conséquent il n’y a ni maître ni serviteur.

    R. 8° Lettre de la Montagne. — Toute condition imposée à chacun par tous ne peut être onéreuse à personne ; et la pire des lois vaut encore mieux que le meilleur maitre : car tout maitre a des préférences, et la loi n’en jamais.

  2. Hobbes, De Cive, chap. XIV. — Puis donc que l’on n’obéit pas aux lois à cause de la chose même qui y est commandée mais en considération de la volonté du législateur, la loi n’est pas un conseil mais un édit ou une ordonnance, et je la définis de cette sorte : La loi est une ordonnance de cette personne (soit d’un seul homme qui gouverne ou d’une assemblée) dont le commandement tient lieu d’une raison suffisante pour y obéir...

    Locke, Gouvernement civil, chap. X. — Le pouvoir législatif ne doit conférer à qui que ce soit le pouvoir de faire des lois ; ce pouvoir ne pouvant résider de droit que là où le peuple l’a établi.

  3. Platon, Des Lois, liv. IV. — Si j’ai appelé les magistrats serviteurs des lois, ce n’est pas que je veuille rien changer aux termes établis par |’usage, c’est que je suis persuadé que le salut d’un État dépend principalement de là, et que le contraire cause infailliblement sa perte ; c’est que je vois très prochaine la ruine d’un État où la loi est sans force et soumise à ceux qui gouvernent, et qu’au contraire partout où la loi est seule souveraine et où les magistrats sont ses premiers sujets, avec le salut public, je vois l’assemblage de tous les biens que les Dieux ont jamais versés dans les États.
  4. Locke, Gouvernement civil, ch. XVIII. — Un gouvernement sans lois est, à mon avis, un mystère dans la politique, inconcevable à l’esprit de l’homme, et incompatible avec la société humaine.