Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/174

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i LIVRE III. — CHAP. IV. uy V Ajoutons qu’il n’y a pas de gouvernement si sujet aux

  • guerres civiles et aux agitations intestines, que le democra-

} tique ou populaire ( 1), parce qu’il n’y en a aucun qui tende si | fortement cet si continuellement a changer de forme, ni qui demande plus de vigilance et de courage pour étre main- i beaucoup de probité pour qu’un gouvernement monarchique ou un gouver- V nement despotique se maintiennent ou se soutiennent. La force des lois dans · I l’un, le bras du prince toujours levé dans l’autre, réglent ou contiennent » tout. Mais dans un Iitat populaire, il faut un ressort de plus qui est la vertu. (x) Antsrors, Politique, liv. VIII, chap. xv. — Dans la démocratie les revolutions naissent bientot de la turbulence des démagogues. ' Dans les temps reculés, quand le meme personnage était démagogue et général, le gouvernement se changeait promptement en tyrannie et presque 1 tous les anciens tyrans ont commencé par etre démagogues. Si ces usurpa- tions étaient alors beaucoup plus fréquentes que de nos jours, la raison en A est simple : A cette époque il fallait sortir des rangs de l'armée pour étre I démagogue; car l’on ne savait point encore faire un habile usage de la parole. ' Auiourd’hui, grace au progres de la rhétorique, il sufiitde savoir bien parler E pour arriver a etre chef du peuple; mais les orateurs n’usurpent point a i cause de leur ignorance militaire ou du moins la chose est fort rare. Pwnaovx, De la Monarchie, de Ia Démocratie et de l'Oligarchie. — Dans les gouvernements autres que la monarchic, l’autorité qui com- mande est elle·meme commandée, l’homme d‘Etat est porté en meme temps qu'il porte. Le pouvoir dont il est investi n’est pas assez fort contre ceux dont il le tient. Faénéiuc ll, Anti-Machiavel, chap. rx, De Ia principauté civile. — Plu- sieurs républiques sont rctombées, par la suite des temps, dans le despo- tisme, il parait meme que ce soit un malheur inévitable qui les atteint toutes. Car, comment une république résistera-t-elle éternellement a toutes les causes qui minent la liberté? Comment pourrait-elle contenir toujours l’ambition des grands qu’elle nourrit dans son sein? Comment pourrait- elle a la longue veiller sur les séductions et les sourdes pratiques de ses voi- sins et sur la corruption de ses membres, tant que l’intéret sera tout- puissant chez lcs hommes? Comment peut-elle espércr de sortir toujours heureusement des guerres qu’eIle aura a soutenir? Comment pourra-t-elle prévenir ces conjectures facheuses pour sa liberté, ces moments critiques et décisifs, et ces hasards qui favorisent les corrompus et les audacieux? Si les troupes sont commandées par des chefs laches et timides, elles devicn- dront la proie de ses ennemis, et si elles ont a leur tete des hommes vail- lants et hardis, ils seront dangereux dans la paix, apres avoir servi dans la guerre. Les républiques se sont presque toujours élcvées, de l’abime de la tyrannie au comble de la liberté, et elles sont presque toutes retombées de cette liberté dans l’esclavage. Ces memes Athéniens, qui du temps de Dé- mosthene outrageaient Philippe de Macédoine, rampaient devant Alexandre. Ces memes Romains qui abhorraient la royauté, apres l‘expulsion des rois, souffrircnt patiemment apres la révolution de quelques siecles toutes les cruautés de leurs empereurs; et ces memes Anglais qui mirent a mort l