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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/188

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LIVRE III. — CHAP. VI. 131 presque abimée par ces tas de jolis régisseurs, on est tout surpris des ressources qu’il trouve, et cela fait époque dans Ul') p&yS. Pour qu’un Etat monarchique put étre bien gouverné, il faudrait que sa grandeur ou son étendue fut mesurée aux facultés de celui qui gouverne (1). Il est plus aisé de conquérir que de régir (2). Avec un levier suffisant,d’un doigt on peut ébranler le monde; mais pour le soutenir il faut les épaules d’Hercule (3). Pour peu qu’un Etat soit grand, le prince est confiance n’en tirai-je point pour une administration qui commengait ainsi. Je mettais alors la derniére main au Contra! social. Le coeur plein de vous, j‘y portai mon jugement et mon pronostic avec une coniiance que le temps a contirmée et que l’avenir ne démentira pas... (1) Moxrzsqunzu, Esprit des Lois, liv. VIII, chap. xx. — Il suit que pour conserver les principes du gouvernement établi, il faut maintenir l‘Etat dans la grandeur qu’il avait déia et que cet Etat changera d’esprit a mesure qu'on rétrécira ou qu’on étendra ses limites. (2) Fnéuéntc II, Anti-Machiavel, chap. 111. — Combien de princes ont fait par leurs généraux conquérir des provinces qu'ils ne voient iamais! Ce sont alors des conquetes en quelque facon imaginaires et qui n’ont que peu de réalité pour les princes qui les ont fait faire; c’est rendre bien des gens malheureux pour contenter la fantaisie d’un seul homme qui souvent ne mériterait pas seulement d’étre connu. Mais supposons qu’un conquérant soumette tout le monde a sa domi- nation: ce monde bien soumis, pourra-t-il le gouverner? Quelque grand prince qu’il soit, il n’est qu’un étre tres borné; a peine pourra-t-il retenir le nom de ses provinces, et sa grandeur ne servira qu’a mettre en evidence sa véritable petitesse... (3) Anxsrorn, Politique, liv. III, chap. 11. — Aucune des royautés dites légales ne forme, ie le répéte, une espece particuliere de gouvernement, puisqu’on peut établir partout un généralat inamovible dans la démocratie aussi bien que dans la république... “ _ Quant a ce qu’on nomme la royauté absolue, c’est-21-dire cellc oh un seul homme est souverain suivant son bon plaisir, bien des gens soutiennent que la nature des choses repousse elle-méme ce pouvoir d’un seul sur tous les citoyens, puisque l’Etat n'est qu'une association d'etres égaux et qu’entre des étres naturellement égaux les prerogatives et les droits doivent étre nécessairement identiques. La ou la loi est impuissante, un individu n’en saura jamais plus qu'elle. Quand on demande la souveraineté de la Ioi, c’est demander que la rai- son regne avec les Iois ; demander la souveraineté d’un roi,c'est constituer sou- verain l’homme et la béte; car les entrainements de l'instinct, les passions du cczur corrompent les hommes, quand ils sont au pouvoir, méme les meilleurs; mais la loi, c’est l'intelligence sans les passions aveugles... Un seul homme ne peut tout voir de ses propres yeux. ll faudra bien