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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/213

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156 DU CONTRAT SOCIAL. on pourrait dire qu’il se reléiche : mais ce progrés inverse est impossible. En effet, jamais le gouvernement ne change de forme dégénéra promptcmcnt en despotisme. Par des causes particuliéres, 1`Etat périt avant le temps, comme on voit mourir un nouveau-né avant d’avoir atteint Page d’homme. L’expulsion des Tarquins fut la véritable époque de ` Ia naissance de la république. Mais elle ne prit pas d'abord une forme con- stante, parce qu’on ne lit que la moitié de l’ouvrage en n’abolissant pas le patriciat. Car, de cette maniere, l`aristocratie héréditaire, qui est la pire des administrations légitimes, restant en conflit avec la démocratie, la forme du gouvernement, touiours incertaine et flottante, ne fut fixée, comme l’a prouvé Machiavel, qu’a l’établissement des tribuns; alors seulement il y eut un vrai gouvernement et une véritable démocratie. En elfet, le peuple alors n’était pas seulement souverain, mais aussi magistrat et juge; le sénat n’était qu’un tribunal en sous-ordre, pour tempérer et concentrer le gouvernement; et les consuls eux·mémes, bien que patriciens, bien que premiers magistrate, bien que généraux absolus a la guerre, n’étaient a Rome que les présidents du peuple. Des lors on vit aussi Ie gouvernement prendre sa pente naturelle et tendre fortement A l’aristoc1·atie. Le patriciat s’abo1issant comme de lui- méme, l'aristocratie n’était plus dans le corps des patriciens comme elle est a Venise eta Génes, mais dans le corps du sénat, compose de patriciens et de plébéiens, méme dans le corps des tribuns quand ils commencerent d’usurper une puissance active : car les mots ne font rien aux choses ; et quand le peuple a des chefs qui gouvernent pour lui, quelque nom que portent ces chefs, c’est toujours une aristocratic. De l’abus de l’aristocratie naquirent les guerres civiles et le triumvirat. Sylla, Jules César, Auguste, devinrent dans le fait de véritables monarques ; et enfin, sous le despotisme de Tibere, l’Etat fut dissous. L’histoire romaine ne dément donc point mon principe : elle le confirme. (Note du Contra! social, édition de 1762.) — Le Squittinio (La Mirandole 161 2, in—4), on- vrage anonyme, attribué it divers auteurs, a été traduit en francais par Amelot de la Houssaye (Ratisbonne 1677, in-12). (2) R. 7• Lettre de la Montagne. — ll vous est arrivé, messieurs, ce qui arrive a tous les gouvernements semblables au votre. D’abord 1a puissance législative et la puissance exécutive qui constituent la souveraineté n’en sont pas distinctes. Le peuple souverain veut par lui-méme, et par lui- meme il fait ce qu’il veut, Bientét l’incommodité de ce concours de tous a toute chose force le peuple souverain de charger quelques·uns de ses mem- bres d’exécuter ses volontés. Ces ofiiciers, apres avoir rempli leur commis- sion, en rendent compte, et rentrent dans la commune égalité. Peu a peu ces commissions deviennent fréquentes,enfin permanentes. Insensiblement il se forme un corps qui agit toujours. Un corps qui agit toujours ne peut pas rendre compte de chaquc acte; il ne rend plus compte que des prin- cipaux; bientot il vient a bout de n’en rendre aucun. Plus la puissance qui I agit est active, plus elle énerve la puissance qui veut. La volonté d’hier est censée etre aussi celle d’auiourd’hui; au lieu que l’acte d’hier ne dis- pense pas d’agir aujourd’hui. Enfin l’inaction de la puissance qui veut la