Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/222

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I LIVRE 111. - CHAP. XIII. 165 Ceci, me dira-t-on, peut étre bon pour une seule ville; I mais que faire quand l’Etat en comprend plusieurs? Parta- gera-t-on l’autorité souveraine? ou bien doit-on la concentrer dans une seule ville et assujettir tout le reste? I Je réponds qu’on ne doit faire ni Pun ni l’autre. Premie-1 rement, l’autorité souveraine est simple et une, et l’on ne peut la diviser sans la détruire. En second lieu, une ville, non plus qu’une nation, ne peut étre légitimement sujette i d’une autre, parce que l’essence du corps politique est dans l’accord de l’obéissance et de la liberté, et que ces mots de sujet et de souverain sont des corrélations identiques dont l’idée se réunit sous le seul mot de citoyen. I Je réponds encore que c’est toujours un mal d’unir plu- ° sieurs villes en une seule cité, et que, voulant faire cette union, l’on ne doit pas se flatter d’en éviter les inconvé- nients naturels. Il ne faut point objecter l’abus des grands I Etats a celui qui n’en veut que de petits; mais comment donner aux petits Etats assez de force pour résister aux grands? comme jadis les villes grecques résistérent au grand roi, et comme plus récemment la Hollande et la Suisse ont I résisté a la maison d’Autriche. Toutefois, si l’on ne peut réduire l’IiZtat a de justes bornes, il reste encore une ressource; c’est de n’y point souffrir de capitale, de faire siéger le gouvernement alter- I nativement dans chaque ville, et d’y rassembler aussi tour a tour les états du pays. Peuplez également le territoire, étendez-y partout les mémes droits, portez-y partout l’abondance et la vie; c’est I ainsi que l’IiZtat deviendra tout a la fois le plus fort et le mieux gouverné qu’il soit possible. Souvenez—vous que les murs des villes ne se forment que du clébris des maisons des champs. A chaque palais que je vois élever dans la I capitale, je crois voir mettre en masures tout un pays(1). (1) R. Emile, liv. V. -— Deux Etats égaux en grandeur et en nombre d’hommes peuvent etre fort inégaux en force; et le plus puissant des deux I I