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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/235

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i78 DU CONTRAT SOCIAL. nement héréditaire, soit monarchique dans une famille, soit aristocratique dans un ordre de citoyens, ce n’est point un engagement qu’il prend : c’est une forme provisionnelle qu’il donne a l’administration, jusqu’a ce qui lui plaise d’en _ ordonner autrement (1). Il est vrai que ces changements sont toujours dangereux, et qu’il ne faut jamais toucher au gouvernement établi que lorsqu’il devient incompatible avec le bien public; mais cette circonspection est une maxime de politique et non pas une regle de droit, et l’Etat n’est pas plus tenu de lais- ser l’autorité civile a ses chefs que l’autorité militaire a ses généraux (2). Il est vrai encore qu’on ne saurait, en pareil cas, obser- ver avec trop de soin toutes les formalités requises pour distinguer un acte régulier et légitime d’un tumulte sédi- tieux, et la volonté de tout un peuple des clameurs d’une faction. C’est ici surtout qu’il ne faut donner au cas odieux que ce qu’on ne peut lui refuser dans toute la rigueur du droit; et c’est aussi de cette obligation que le prince tire un grand avantage pour conserver sa puissance malgré le peu- ple, sans qu’on puisse dire qu’il l’ait usurpée; car, en paraissant n’user que de ses droits, il lui est fort aisé de les étendre, et d’empécher, sous le prétexte du repos public, les assemblées destinées a rétablir le bon ordre; de sorte qu’il se prévaut d’un silence qu’il empéche de rompre, ou des irrégularités qu’il fait commettre, pour supposer en sa (i) Ancannou Srmuzv, Discours sur le Gouvernemcnt. — ll n’appartient qu’a ceux qui donnent l’etre a une puissance qui ne subsistait point aupara- vant de juger si on l’emploie pour les rendre heureux ou malheureux. (2) Ancznuou Sumner, Discours sur Ie Gouvernement, ch. II, section 7. — Quand meme il y aurait une regle dont il ne serait jamais permis de s’écar- ° ter, il faudrait touiours qu’il y cut une puissance qui fut en droit de iuger a qui on doit appliquer cette régle. R. Lettre ei Philopolis. — Cc qui concourt au bien général peut etre un mal particulier dont il est permis de se délivrer quand il est possible. Car si ce mal tant qu’on le supporte est utile au tout,le bien contraire qu’on s’eiforce de lui substituer ne lui sera pas moins utile sitot qu’il aura lieu. I - m