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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/238

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LIVRE IV


CHAPITRE PREMIER
QUE LA VOLONTÉ GÉNÉRALE EST INDESTRUCTIBLE

Tant que plusieurs hommes réunis se considerent comme un seul corps, ils n’ont qu’une seule volonté qui se rapporte à la commune conservation et au bien-étre général. Alors tous les ressorts de l’État sont vigoureux et simples, ses maximes sont claires et lumineuses ; il n’a point d’intéréts embrouillés, contradictoires ; le bien commun se montre partout avec évidence, et ne demande que du bon sens pour étre apercu. La paix, l’union, l’égalité, sont ennemies des subtilités politiques. Les hommes droits et simples sont difficiles à tromper à cause de leur simplicité : les leurres, les prétextes raffinés ne leur en imposent point, ils ne sont pas meme assez fins pour étre dupes. Quand on voit chez le plus heureux peuple du monde des troupes de paysans régler les affaires de l’État sous un chéne, et se conduire toujours sagement, peut-on s’empécher de mépriser les raffinements des autres nations, qui se rendent illustres et misérables avec tant d’art et de mystére[1] ?

Un État ainsi gouverné a besoin de tres peu de lois ;

  1. Aristote, Politique, liv. III, chap. vi. — C’est un grand probleme de savoir à qui doit appartenir la souveraineté dans l’État… L’embarras est, ce semble, égal de toutes parts…

    Attribuer la souveraineté à la multitude plutot qu’aux hommes distingués qui sont toujours en minorité peut sembler une solution équitable et vraie de la question, quoiqu’elle ne tranche pas encore toutes les difficultés. On peut admettre en etfet que la majorité, dont chaque membre,