Aller au contenu

Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cial. Pour cette enquête les renseignements positifs nous font défaut et nous sommes réduits à des conjectures. En dehors des assertions de Rousseau, nous n’avons d’autres indices que ceux qui nous sont fournis par quelques manuscrits conservés dans les bibliothèques de Genève et de Neuchâtel[1] et provenant de legs faits à Genève par la famille Moultou et à Neuchâtel par du Peyrou. Nous savons, en effet, que Rousseau avait confié à ses amis Moultou et du Peyrou ses papiers les plus importants. On a mis plus d’une fois en doute la bonne foi de Jean-Jacques dans ses Confessions ; quant à moi, je crois ses déclarations toujours sincères et je me suis fait une règle de les tenir pour exactes, surtout aux époques où sa mémoire, peut-être affaiblie, pouvait s’aider des documents assez nombreux qu’il prenait plaisir à rassembler et même à classer avec une minutie de collectionneur. On peut résumer à peu près ainsi les indications que nous donne Rousseau, soit dans les Confessions, soit dans sa Correspondance. Pendant son séjour à Venise, c’est-à-dire en 1743, attaché à l’ambassade de France, comme secrétaire de M. de Montaigu, il eut occasion d’étudier la constitution aristocratique de cette république et d’en noter les vices et les abus. C’est la période de gestation de ses idées. Elles s’agitaient dans son esprit sans prendre encore une forme précise et arrêtée. C’étaient des remarques plutôt que des idées, des observations sans liaison entre elles et ne tendant à aucun but déterminé, comme celles que pourrait faire encore de nos jours un jeune attaché de légation, intelligent et curieux, partagé entre le travail de sa charge et les plaisirs dont elle donne l’occasion. Plusieurs années après, de retour à Paris, dans le milieu assez dissipé des hommes de lettres et du monde des théâtres, adonné à la musique plutôt comme amateur que comme auteur, Rousseau travaille à diverses pièces et divertissements de circonstance. Au milieu de ces occupations sans doute très étrangères à la politique, le hasard

  1. Je me fais un devoir et un plaisir de remercier ici M. le professeur Ritter et M. Dufour, directeur de la bibliothèque de Genève, M. le professeur Junod et M. Bonhote, directeur de la bibliothèque de Neuchâtel, qui ont bien voulu faciliter mes recherches et m’aider de leurs obligeants conseils. Je dois également d’utiles indications à M. Jacques Flach, qui a expliqué naguère à ses auditeurs du Collège de France, dans un cours fort intéressant, les passages les plus difficiles du Contrat social.