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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/240

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LIVRE IV. — CHAP. I. x83 l’Etat a s’aii`aiblir, quand les intéréts particuliers commen- cent a se faire sentir et les petites sociétés influer sur la grande, l’intérét commun s’altere et trouve des opposants : l’unanimité ne régne plus dans les voix; la volonté générale n’est plus la volonté de tous; il s’éleve des contradictions (r), des débats; et le meilleur avis ne passe point sans disputes. Enfin, quand l’Etat, pres de sa ruine, ne subsiste plus que par une forme illusoire et vaine, que le lien social est rompu dans tous les coeurs, que le plus vil intérét se pare eifrontément du nom sacré du bien public, alors la volonté ° générale devient muette;tous, guidés par desmotifs secrets, n’opinent pas plus comme citoyens que si l’Etat n’ei.lt ja- mais existé; et l’on fait passer faussement sous le nom de lois des décrets iniques qui n’ont pour but que l’intérét particulier (2). ville accoutumée A jouir de la liberté et qui ne la détruit pas doit s‘attendre a etre détruit par elle. Dans toutes ses révoltes, elle a toujours le cri de liberté pour ralliement et pour refuge, et ses anciennes institutions que ni la longueur du temps ni les bienfaits ne peuvent etfacer, quoi qu’on fasse, quelques precautions que l’on prenne, si on ne divise les habitants et qu’on ne les disperse, ce nom de liberté ne sort jamais de leur coeur et de _ leur mémoire, non plus que leinrs anciennes institutions, mais tous y recourent aussitét a la moindre occasion. Voyez ce qu’a fait Pise aprés tant d’années passées sous le ioug des Florentins. (1) Purou, La République, liv. IV. — Voici donc les plus justes bornes que nos magistrats puissent donner a Paccroissement de leur Etat et de leur territoire,apres lesquelles ils ne doivent plus cberchera s’étendre davantage. — Quelles sont ces bornes? C’est, A ce que je crois, de le laisser s’agrandir autant qu’il le pourra sans cesser d’étrc un et iamais au dela. — Fort bien. —’Ainsi nous prescrirons encore a nos magistrats de faire en sorte que l’Etat ne paraisse ni grand ni petit, mais ticnne un juste milieu et soit tou- jours un... _ Dans un Etat tout dépend du commencement. S’il a bien commencé, il va toujours en s‘agrandissant, comme le cerc1e... Le mépris des lois s’y glisse (dans l’Etat) facilement sans qu’on s’en aper- coive. En effet, il ne fait au commencement que s’insinucr peu A peu et se couler doucement dans les moeurs et dans les usages. Il va ensuite touiours en augmentant et se glisse dans les rapports qu’ont entre eux les membres de la société; de la il s’avance jusqu’aux lois et aux principes du gouverne. ment, qu’il attaque, mon cher Socrate, avec la derniére insolence, et il tinit par la ruine des Etats ct des particuliers... (2) R. 5• Lettre de la Montague. - Les chefs des républiques aiment extremement A employer le langage des monarchies. A la faveur de termes