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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/242

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LIVRE IV. — CHAP. II. 185 si`1r de l’état actuel des mceurs et de la santé du corps poli- tique. Plus le concert régne dans les assemblées, c’est·a·dire · plus les avis approchent de l’unanimité, plus aussi la volonté générale est dominante; mais les longs débats, les dissen- sions, le tumulte, annoncent Pascendant des intéréts parti- culiers et le déclin de l’Etat. Ceci parait moins évident quand deux ou plusieurs ordres entrent dans sa constitution, comme a Rome les patriciens et les plébéiens, dont les querelles troublerent souvent les comices, méme dans les plus beaux temps de la république; mais cette exception est plus apparente que réelle; car alors, par le vice inhérent au corps politique, on a pour ainsi dire deux Etats en un: ce qui n’est pas vrai des deux ensemble est vrai de chacun séparément. Et en eifet, dans les temps méme les plus orageux, les plébiscites du peuple, quand le sénat ne s’en mélait pas, passaient tou- jours tranquillement et 5 la grande pluralité des suifrages : ‘ lcs citoyens n’ayant qu’un intérét, le peuple n’avait qu’une volonté. A l’autre extrémité du cercle, Punanimité revient: c’est quand les citoyens, tombés dans la servitude, n’ont plus ni liberté ni volonté. Alors la crainte et la fiatterie changent en acclamations les suffrages; on ne délibere plus, on adore ou l’on maudit. Telle était la vile maniére d’opiner du sénat sous les empereurs. Quelquefois cela se faisait avec des langage A part pour le gouvernement. Par exemple, délibérer, opiner, voter, sont trois choses tres diiférentes, et que les Francais ne distinguent pas assez. Délibérer, c’est peser le pour et le contre; opiner, c’est dire son avis et le motiver; voter, c’est donner son suffrage quand il ne reste plus qu’é recueillir les voix. On met d’abord la matiére en délibération : au premier tour on opine, on vote au dernier. Les tribunaux ont partout A peu pres les memes formes; mais comme, dans les monarchies, le public n’a pas besoin d’en apprendre les termes, ils restent consacrés au bsrreau. C’est par une autre inexactitude de la langue en ces matiéres que M. de Mon- tesquieu, qui la savait si bien, n’a pas laissé de dire toujours la puissance exécutrice, blessant ainsi l’anal0gie, et faisant adjectif le mot exécuteur, n qui est substantif. C’est la meme·faute que s’il eilt dit le pouvoir légis- lateur. i E