Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/273

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l 216 DU CONTRAT SOCIAL. comme une rébellion contre le vainqueur, leur attira les W persécutions qu’on lit dans leur histoire, et dont on ne voit aucun autre exemple avant le christianisme (a). Chaque religion étant donc uniquement attachée aux lois de l’Etat qui la prescrivait, il n’y avait point d’autre maniere de convertir un peuple que de l’asservir, ni d’au- tres missionnaires que les conquérants; et l’obligation de changer de culte étant la loi des vaincus, il fallait com- mencer par vaincre avant d’en parler. Loin que les hommes combattissent pour les dieux, c’étaient, comme dans Homére, les dieux qui combattaient pour les hommes; chacun demandait au sien la victoire, et la payait par de nouveaux autels. Les Romains, avant de prendre une place, sommaient ses dieux de Pabandonner; et quand ils lais- saient aux Tarentins leurs dieux irrités, c’est qu’ils regar- daient alors ces dieux comme soumis aux leurs et forcés de leur faire hommage. Ils laissaient aux vaincus leurs dieux — comme ils leur laissaient leur lois. Une couronne au Ju- piter du Capitole était souvent le seul tribut qu’ils impo- . saient (1). Enfin les Romains ayant étendu avec leur empire leur culte et leurs dieux, et ayant souvent eux-mémes adopté ceux des vaincus, en accordant aux uns et aux autres le droit de cité,1es peuples de ce vaste empire se trouvérent insensiblement avoir des multitudes de dieux et de cultes, a peu pres les mémes partout : et voila comment le paga- nisme ne fut enfin dans le monde connu qu’une seule et méme religion. Cc fut dans ces circonstances que Jésus vint établir sur (a) Il est de la derniére évidence que la guerre des Phocéens, appelée guerre sacrée, n'était pas une guerre de religion. Elle avait pour objet dc punir des sacriléges, et non de soumettre des mécréants. (Note du Contra! p social, édition de 1762.) L (1) Bums, Pensées diverses sur la cométe. — Les Romains qui en rete- nant leurs anciennes Divinités en adoptaient souvent de nouvelles, surtout dans les calamités publiques, s’étaient fort relachés de leur ancienne disci- pline qui défendait les cultes étrangers... 1