Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/274

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LIVRE IV. — CHAP. VIII. 217 la terre un royaume spirituel, ce qui, séparant le systeme théologique du systéme politique, fit que l’Etat cessa d’étre _ un, et causa les divisions intestines qui n’ont jamais cessé d’agiter les peuples chrétiens. Or, cette idée nouvelle d’un royaume de l’autre monde n’ayant pu jamais entrer dans la téte des paiens, ils regardérent toujours les chrétiens comme de vrais rebelles, qui, sous une hypocrite soumis- sion, ne cherchaient que le moment de se rendre indépen- ‘ ` dants et maitres, et d’usurper adroitement l’autorité qu’ils feignaient de respecter dans leur faiblesse. Telle fut la cause des persécutions. Ce que les paiens avaient craint est arrivé. Alors tout a changé de face; les humbles chrétiens ont changé de lan- gage, et bientot on a vu ce prétendu royaume de l’autre monde devenir, sous un chef visible, le plus violent despo- tisme dans celui-ci. Cependant, comme il y a toujours eu un prince et des lois civiles, il est résulté de cette double puissance un perpé- tuel conflit de juridiction qui a rendu toute bonne politie impossible dans les Etats chrétiens; et l’on n’a jamais pu venir a bout de savoir auquel du maitre ou du prétre on était obligé d’obéir. ° Plusieurs peuples cependant, meme dans l’Europe ou a son voisinage, ont voulu conserver ou rétablir l’ancien systéme, mais sans succés; l’esprit du christianisme a tout p gagné. Le culte sacré est toujours resté ou redevenu indé- pendant du souverain, et sans liaison nécessaire avec le corps de l’IiZtat. Mahomet eut des vues tres saines, il lia bien son systéme politique; et, tant que la forme de son gouvernement subsista sous les califes ses successeurs, ce gouvernement fut exactement un, et bon en cela. Mais les Arabes, devenus Horissants, lettrés, polis, mous et laches, furent subjugués par des barbares : alors la division entre les deux puissances recommenca; quoiqu’elle soit moins apparente chez les mahométans que chez les chrétiens,