Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/295

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l l 1 238 DU CONTRAT SOCIAL. dire : Hors de l’E'glise point de salut, doit etre chassé de l’Etat, a moins que lililtat ne soit l’Eglise, et que le prince ne soit le pontife. Un tel dogme n’est bon que dans un gouver- nement théocratique; dans tout autre il est pernicieux (1). La raison sur laquelle on dit qu’Henri IV embrassa la re- partie par l’édit de Nantes, cet edit devint un contrat inviolable, qui ne pouvait plus étre annulé que du commun consentement des deux parties; et depuis ce temps l’exercice de la religion protestante est, selon moi, légitime en France. · Quand il ne le serait pas, il resterait toujours aux suiets Palternative de sortir du royaume avec leurs biens, ou d’y rester soumis au culte domi- nant. Mais les contraindre a rester sans les vouloir tolérer, vouloir a la fois qu’ils soient et qu'ils ne soient pas, les priver meme du droit de la nature, annuler leurs mariages, déclarer leurs enfants bAtards... En ne disant que ce qui est, i'en dirais trop; il faut me taire. R. Nouvelle Héloise, partie V, lettre 5. — L’athéisme qui marche a visage découvert chez les papistes est oblige de se cachcr dans tout pays ou la raison, permettant de groire en Dieu, la seule excuse des incrédules leur est otée. Ce systeme est naturellement désolant; s'il trouve des parti- sans chez les grands et les riches qu’il favorise, il est partout en horreur au peuplc opprimé et miserable qui voyant délivrer ses tyrans du seul frein propre in les contenir se voit encore enlcver dans l’espoir d’unc autre vie la seule consolation qu’on leur laisse dans celle-ci. (t) R. Lettre d M. Marcel (iuillet t762). - A l’égard du Contra! social, l‘auteur de cet écrit pretend qu’une religion est touiours nécessaire it la bonne constitution d’un Etat. Ce sentiment peut bien déplaire au poete Voltaire, au jongleur Tronchin et in leurs satellites; mais ce n’est pas par la qu’ils oseront attaquct le livre en public: L`auteur examine ensuite quelle est la religion civile sans laquelle tout Etat ne peut étre bien constitué. Il semble, il est vrai, ne pas croire que le christianisme, du moins celui d‘au- iourd’hui, soit cette religion civile indispensable a toute bonne legislation, et en etfet, beaucoup de gens ont regardé iusqu’ici les républiques de Sparte et de Rome comme bien constiruées, quoiqu’elles ne crussent pas a Jesus- Christ. Supposons toutefois que l’auteur se soit trompé, il aura fait une erreur en politique; car il n’est pas ici question d‘autre chose. Je ne vois point ou sera l’hérésie, encore moins le crime a punir. Quant aux principes de gouvernement établis dans cet ouvrage, ils se réduisent a ces deux principaux: le premier, que légitimement la souverai- neté appartient touiours au peuplc; le second, que le gouvernement aristo- cratique est le meilleur de tous. Peut-etre importerait-il beaucoup au peuplc de Geneve et meme a ses magistrats de savoir précisément en quoi quel- qu'un d’eux tient ce livre blamable et son auteur criminel. Si j’étais pro- cureur général de la République de Geneve et qu’un bourgeois, quel qu’il fur, osat condamner les principes établis dans cet ouvrage, ie l’obligerais a s’expliquer avec clarté ou je le poursuivrais criminellement comme traitre a la patrie ou criminel de lése—majesté.