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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/341

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274 DU CONTRAT SOCIAL. (a) [Ces diflicultés, qui devaient paraitre (1) insurmontables,ont été levées par la plus sublime de toutes les institutions humaines, ou plutot par une inspiration céleste qui apprit au peuple A imiter ici- bas les décrets immuables de la Divinité. Par quel art inconcevable a-t-on pu trouver le moyen d’assujettir les hommes pour les rendre libres?d’employer au service de l’Etat les biens, les bras, la vie méme de ses semblables(2), sans les contraindre et sans les consulter? d’en- chainer leur volonté de leur propre aveu? de faire valoir leur consen- tement contre leur refus? et de les forcer A se punir eux-mémes quand ils font ce qu’ils n’ont pas voulu? Comment se peut·il faire que tous obéissent et que nul ne commande (3), qu’ils servent et n’aiem point de maitre; d’autant plus libres en effet, que, sous une apparente sujé· tiou,nul ne perd de sa liberté que ce qui peut nuire A celle d’un autre? Ces prodiges sont l’ouvrage de la loi. C’est A la loi seule que les hommes doivent la justice et la liberté. C’est cet organe salutaire de la volonté de tous, qui rétablit dans le droit l’égalité naturelle entre les hommes. C’est cette voix céleste qui dicte A chaque citoyen les préceptes de la raison publiquc, et lui apprend A se conduire (4) sur les maximes de son propre jugement et A n’étre pas sanscesse (5) en contradiction avec lui-méme.] Les_lois sont l’unique mobile du corps politique; il n’est actif et sensible que par elles; sans les lois l’Etat formé n’est qu’un corps sans Ame, il existe et ne peut agir, car ce n’est pas assez que chacun soit soumis A la volonté générale; pour la suivre il faut la conna'itre.VoilA d’ou nait la nécessité d’une législa- tion (b). A (c) [Les lois ne sont proprement que les conditions de l’associa- tion civile. Le peuple, soumis aux lois, en doit donc étre l’auteur, car il n’appartient qu’A ceux qui s’associent de déclarer les condi- tions sous lesquelles ils veulent s’associer. Mais comment les décla- reront-ils? Sera-ce d’un commun accord, par une inspiration subite? Le corps politique a-t-il un organe pour énoncer ses volontés? Qui lui donnera la prévoyance pour en former les actes et les calculer d’avance, ou comment les prononcera-il au moment du besoin? Comment voudrait-on qu’une multitude aveugle, qui souvent ne sait ce qu’elle veut,parce qu’elle sait rarement ce qui lui est bon,pi`1t for- mer et exécuter d’elle-méme une entreprise aussi difticile qu’un sys- téme de législation qui est le plus sublime eilort de la sagesse et de la ll (1) Sembler. (2) De {ODS SCS l'l’I¢UIbI'¢$. (3) Qu‘ils obéissent et que personne ne commande. (4) A agir. (S) Ces mots sans cease n’ont pas été reproduits. (a) Le beau passage entre crochets a été inséré dans Yéconomie polilique avec de légeres variantes dont nous donnons en note le détail. · (b) Voir Contra! social, liv. II, chap. vt. (:) Le morceau entre crochets a passe dans le Contra! social, liv. ll, cnap. vi. l _...a._.i.....-—d