Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/383

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3ro DU CONTRAT SOCIAL. chercher sa subsistance hors de lui-méme,iI (1) y cherche sans cesse de nouveaux membres qui (2) lui donnent une consistance plus iné· branlable, car l’inégalité des hommes a des bornes posées par les mains de la nature, mais celle des sociétés peut croitre incessam- ment, jusqu’a ce qu’une seule absorbe t0ut¢S les autres. Ainsi la grandeur du corps politique étant purement relative, il est forcé de se comparer sans cesse pour se connaitre, il dépend de tout ce qui l’environne et (3) doit prendre intérét a tout ce qui s’y passe, car il aurait beau vouloir se tenir au dedans de lui sans rien gagner en grand, ni perdre, il devient faible ou fort selon que son voisin s’étend ou se répare, se renforce ou s’afl"aiblit. Enfin, sa solidité méme, en rendant ses rapports plus constants,donne un efl"et plus sur _ a tcutes ses actions et rend toutes ses querelles (4) plus dangereuses. Il semble que l’on ait pris a tache de renverser toutes les vraies idées des choses, tout porte l’h. naturel au repos : manger et dormir sont(5) les seuls besoins qu’il connaisse et la faim seule l’arrache a la paresse; on en a fait un furieux toujours prompt a tourmenter ses semblables (6) par des passions qu’il ne connait point; au contraire, ces passions exaltées au sein de la société par tout ce qui peut les enflammer, passent pour n’y pas exister (7). Mille écrivains ont osé dire que le corps politique est sans passions et qu’il n’y a point de raison d’Etat que la raison méme. Comme si l’on`ne voyait pas, au contraire, que 1’essence de la société consiste dans l’activité de ses membres et qu’un Etat sans mouvement ne serait qu’un corps mort. Comme si toutes les histoires du monde ne nous montraient pas les sociétés les mieux constituées étre aussi les plus actives et, soit au dedans soit au dehors, l’action ou réaction continuelle de tous leurs membres porter témoignage de la vigueur du corps tout entier. La diiférence de l’art humain a l’ouvrage de la nature se fait sen- tir dans ses efl"ets (a), les citoyens ont beau s’appeler membres de l’Etat, ils (8) ne sauraient s’unir a lui comme dé vrais membres le sont au corps; il est impossible de faire que chacun d’eux n’ait pas une existence individuelle et séparée par Iaquelle il peut seul suf- i fire a sa propre conservation; les nerfs sont moins sensibles, les I muscles ont moins de vigueur, tous les liens sont plus laches, le I moindre accident peut tout désunir. I Que l’on considére combien, dans Pagrégation du corps politique , (t) Il {aut que. I (2} Le fortyient. I (3) Ne peut se dispenser de. I (4) Plus difjiciles ei lerminer. I (5) Des. I (6) Pour contenter. I (7) Et les passions politiques. (8) Leur est impossible de. I (a) Contra: social, liv. III, chap. xi. — La constitution de l’homme est Pouvrage de I la nature, celle de l`Etat est l'ouvrage de l°art. `I I · I I I I I I I