Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/400

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APPENDICE III. 327 moins de me laisser tranquille. C’était, ce me semblait, un trait de politique tres simple, et cependant tres adroit, de se faire un merite de protéger ce qu’on ne pouvait empecher, puisque si 1’on m’e0t chassé de France, qui etait tout ce qu’on avait droit de faire, mes livres n’auraient pas moins été faits et peut-etre avec moins de re- tenue, au lieu qu’en me laissant en repos, on gardait l’auteur pour caution de ses ouvrages et de plus on eflacait des préjugés tres enra- cinés dans le reste de l’Europe en se donnant une reputation d’avoir un respect eclairé pour le droit des gens.

 Tout ce qu’il y avait de hardi dans le Contra! social était aupa-

ravant dans le Discours sur Finégalité. Tout ce qu’il y avait de hardi dans l’E`miIe était auparavant dans la JuIie... com-·1·:ss1o1~zs(1;·56). Une autre entreprise in peu pres du meme genre, mais dont le pro- jet était plus récent,‘m’occupait davantage en ce moment, c’était 1’extrait des ouvrages de l’abbé de Saint-Pierre. L’idée m`en avait été suggérée depuis mon retour de Geneve par l’abbé de Mably, non pas immédiatement, mais par l’entremise de Mm Dupin... On m’avait proposé ce travail, comme utile en lui-meme et comme .tres convenable e un homme laborieux en manoeuvre, mais paresseux comme auteur, qui trouvant la peine de penser tres fati- gante, aimait mieux en choses de son gout, eclairer et pousser les idées des autres que d’en créer. D’ailleurs en ne me bornant pas a la fonction de traducteur, il ne m’etait pas défendu de penser quelque- fois par moi-meme et je pouvais donner telle forme e mon ouvrage que bien d’importantes vérités y passeraient sous le manteau de l’abbé de Saint·Pierre, encore plus heureusement que sous le mien... C’etait la le premier ouvrage auquel je comptais donner mes loi- sirs. coursssxous (1756). La plupart des écrits de l’abbé de Saint-Pierre étaient ou conte- naient des observations critiques sur quelques parties du gou- vernement de France et il y en avait meme de si libres qu’il était heureux pour lui de les avoir faites impunement. Mais dans les bu- reaux des ministres on avait de tout temps regarde l’abbé de Saint- Pierre comme une espece de prédicateur plutet que comme un vrai politique, et on le laissait dire tout 21 son aise parce qu’on voyait bien que personne ne l’ecoutait. Si j’étais parvenu 21 le faire ecouter, le cas éfll été different. Il était Francais, je ne l’étais pas, et en m’avi— sant de repeter ses censures quoique sous son nom, je m’exposais A me faire demander un peu rudement, mais sans injustice, de quoi je me melais... I ! I 1