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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/401

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328 DU .CONTRA’l` SOCIAL. i Ce qui me fit abandonner l’abbé de Saint-Pierre m’a fait souvent renoncer a des projets beaucoup plus chéris...

 Cet ouvrage abandonné me laissa quelque temps incertain sur

celui que j’y ferais succéder et cet intervalle de désceuvrement fut ma perte en me faisant tourner mes réflexions sur moi·rnéme faute d’ob-· jet étranger qui m’occupz'it... L1·;·r·rn1-: A vo1.·r.un1·: (18 aofit 1756).

 Tout gouvernernent humain se borne par sa nature aux devoirs

civils et quoi qu’en ait pu dire le sophiste Hobbes, quand un homme sert bien 1’Etat il ne doit compte a personne de la maniére dont il sert son Dieu... I1 y a, je 1’avoue, une sorte de profession de foi que les lois peuvent imposer, mais hors les principes de la morale et du droit naturel elle doit étre purement négative parce qu’il peut exister des religions qui attaquent les fondements de la société et qu’il faut commencer par exterminer ces religions pour assurer la paix de l’Etat. De ces dogmes a proscrire, l’intolérance est sans difficulté le plus odieux, mais il faut le prendre a sa source, car les fanatiques les plus sanguinaires changent de langage selon la fortune et ne préchent que patience et douceur quand ils ne sont pas les plus forts. Ainsi j’appelle intolérant par principe tout homme qui s’imagine qu’on ne peut étre homme de bien sans croire tout ce qu’il croit et damne impitoyablement ceux qui ne pensent point comme lui. En eH`et les iidéles sont rarement d’humeur a laisser les reprouvés en paix dans ce monde, et un saint qui croit vivre avec des damnés anticipe volontiers sur le métier du diable. Quant aux incrédules intolérants qui voudraient forcer le peuple a ne rien croire, je ne les bannirais pas moins sévérement que ceux qui le veulent forcer a croire tout ce qui leur plait, car on voit au zéle .de leurs décisions, a l’amertume de leurs satires qu’il ne leur manque que d’étre les maitres pour persécuter tout aussi cruellement les croyants qu’ils sont eux-mémes persécutés par les fanatiques. Ou est l’homme paisible et doux qui trouve bon qu’on ne pense pas comme lui? Cet homme ne se trouvera siirement jamais parmi les dévots, et il en est encore a trouver chez les philosophes.Je voudrais donc qu’on eut dans chaque etat un code moral ou une espece de profession de foi civile qui contint positivement les maximes sociales que chacun serait tenu d’admettre et négativement les maximes in- tolérantes qu’on serait tenu de rejeter non comme impies, mais comme séditieuses. Ainsi toute religion qui pourrait slaccorder avec i le code serait admise, toute religion qui ne s’y accorderait pas serait proscrite et chacun serait libre de n’en avoir point d’autre que le l code meme. Cet ouvrage fait avec soin, serait, ce me semble, le livre le plus utile qui put jamais étre composé et peut-étre le seul nécessaire { l