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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/435

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362 DU CONTRAT SOCIAL. ment du corps politique comme un vrai contrat entre le peuple et les chefs qu’il se choisit ; contrat par lequel les deux parties s’obligent in l’observation des lois qui y sont stipulées, et qui forment les liens de leur union. Le peuple, ayant, au sujet des relations sociales, réuni toutes ses volontés en une seule, tous les articles sur lesquels cette volonté s’explique deviennent autant de lois fondamentales qui obli- gent tous les membres de l’Etat sans exception, et l‘une desquelles régle le choix et le pouvoir des magistrats chargés de veiller at l`exé- cution des autres. Ce pouvoir s’étend a tout ce qui peut maintenir la constitution, sans aller jusqu’a la changer. On y joint des honneurs qui rendent respectables les lois et leurs ministres, et, pour ceux—ci personnellement, des prérogatives qui les dédommagent des pénibles travaux que coute une bonne administration. Le magistrat, de son coté, s’oblige a n’user du pouvoir qui lui est confié que selon l`inten- ° tion des commettants, A maintenir chacun dans la paisible iouissance de ce qui lui appartient, et a préférer en toute occasion l’utilité publique a son propre intérét. Avant que Pexpérience cut montré ou que la connaissance du coeur humain cut fait prévoir les abus inévitables d’une telle consti- tution, elle dut paraitre d’autant meilleure, que ceux qui y étaient chargés de veiller a sa conservation y étaient eux·mémes les plus in- téressés : car la magistrature et ses droits n’étant établis que sur les lois fondamentales, aussit6t qu’elles seraient détruites, les magis- trats cesseraient d’E?tre légitimes, le peuple ne serait plus renu de leur obéir; et comme ce n’aurait pas été le magistrat, mais la loi, qui au- rait constitué l’essence de l’Etat, chacun rentrerait de droit dans sa liberté naturelle. Pour peu qu’on y réfléchit attentivement, ceci se confirmerait par de nouvelles raisons, et par la nature du contrat on verrait qu’il ne saurait étre irrévocable : car s’il n’y avait point de pouvoir supérieur qui put étre garant de la fidélité des contractants, ni les forcer a remplir leurs engagements réciproques, les parties demeureraient seules juges dans leur propre cause, et chacune d’elles aurait toujours le droit de renoncer au contrat sitot qu’elle trouverait que l’autre en enfreint les conditions, ou qu’elles cesseraient de lui convenir. C’est sur ce principe qu’il semble que le droit d’abdiquer peut étre fondé. Or, at ne considérer, comme nous faisons, que l’institution humaine, si le magistrat, qui a tout le pouvoir en main et qui s’approprie tous les avantages du contrat, avait pourtant le droit de renoncer at Pau- torité, A plus forte raison le peuple, qui paye toutes les fautes des chefs, devrait avoir le droit de renoncer a la dépendance. Mais les dissensions afireuses, les désordres infinis qu’entrainerait nécessai- rement ce dangereux pouvoir, montrent, plus que toute autre chose, combien les gouvernements humains avaient besoin d’une base plus solide que la seule raison, et combien il était nécessaire au repos ...-. ——.—. ———.J