Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/455

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- I 382 DU CONTRAT SOCIAL. le meilleur : son objet n’est point de faire des livres; et si jamais il en fait, ce ne sera point pour faire sa cour aux puissances, mais pour établir les droits de l’humanité. Il reste une troisieme difficulté plus spécieuse que solide, et que je ne veux ni résoudre ni proposer : il me suffit qu’elle n’efl"raye point mon zele; bien sur qu’en des recherches de cette espece, de grands talents sont moins nécessaires qu’un sincere amour de la justice et un vrai respect pour Ia vérité. Si donc les matieres de gouvernement peuvent étre équitablement traitées, en voici, selon moi, le cas ou jamais. Avant d’observer, il faut se faire des regles pour ses observations: il faut se faire une échelle pour y rapporter les mesures qu’on prend. Nos principes de droit politique sont cette échelle. Nos mesures sont les lois politiques de chaque pays. Nos éléments seront clairs, simples, pris immédiatement dans la nature des choses. Ils se formeront des questions discutées entre nous, et que nous ne convertirons en principes que quand elles seront suffisamment résolues. Par exemple, remontant d’abord a l’état de nature, nous examine- rons si les hommes naissent esclaves ou libres, associés ou indépen· ( dants; s’ils se réunissent volontairement ou par force: si jamais la l force qui les réunit peut former un droit permanent, par lequel cette ` torce antérieure oblige, meme quand elle est surmontée par une autre, en sorte que, depuis la force du roi Nembrod, qui, dit-on, lui soumit les premiers peuples, toutes les autres forces qui ont détruit , celle·le soient devenues iniques et usurpatoires, et qu’il n’y ait plus l de légitimes rois que les descendants de Nembrod ou ses ayants cause; ou bien si cette premiere force venant e cesser, la force qui lui suc- cede oblige a son tour, et détruit l’obligation de 1’autre, en sorte qu’on ne soit obligé d’obéir qu’autant qu’on y est forcé, et qu’on en soit dispensé sit6t qu’on peut faire résistance : droit qui, ce semble, n’ajouterait pas grand’chose e la force, et ne serait guere qu’un jeu r de mots. l Nous examinerons si l’on ne peut pas dire que toute maladie vient j de Dieu, et s’il s’ensuit pour cela que ce soit un crime d’appeler le médecin. Nous examinerons encore si l’on est obligé en conscience de donner ( sa bourse a un bandit qui nous la demande sur le grand chemin, j quand meme on pourrait la lui cacher, car enfin le pistolet qu’il tient j est aussi une puissance. l Si ce mot de puissance en cette occasion veut dire autre chose j qu’une puissance légitime, et par conséquent soumise aux lois dont elle tient son étre. Supposé qu’on rejette ce droit de force, et qu’on admette celui de { la nature ou l’autorité paternelle comme principe des sociétés,