Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui l’a fait tel sinon le contrat social ? Le contrat social est donc la base de toute société civile, et c’est dans la nature de cet acte qu’U faut chercher celle de la société qu’il forme. Nous rechercherons quelle est la teneur de ce contrat, et si l’on ne peut pas à peu près l’énoncer par cette formule : << Chacun de nous « met en commun ses biens, sa personne, sa rie, et toute sa puissance, sous la suprême direction de la volonté générale, et nous « recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du « tout. >

Ceci supposé, pour définir les termes dont nous avons besoin, nous remarquerons qu’au lieu de la personne paniculière de chaque contractant, cet acte d’association produit un corps moral et collectif, composé d’autant de membres que l’assemblée a de vois. Cette personne publique prend en général le nom de corps politique, lequel est appelé par ses membres. État quand il est passif, souverain quand il est actif, puissance en le comparant à ses semblables..\ l’égard des membres eux-mêmes, ils prennent le nom de peuple collectivement, et s’appellent en particulier citoyens, comme membres de la cité ou participants à l’autorité souveraine, et sujets, comme soumis â la même autorité.

Nous remarquerons que cet acte d’association renferme un engagement réciproque du public et des particuliers, et que chaque individu, contractant pour ainsi dire avec lui-même, se trouve engagé sous un double rapport, savoir, comme membre du souverain envers les particuliers, et comme membre de l’État envers le souverain. Nous remarquerons encore que nul n’étant tenu aux engagements qu’on a pris qu’avec soi, la délibération publique qui peut obliger tous les sujets envers le souverain à cause des différents rapports sous lesquels chacun d’eux est envisage, ne peut obliger l’Etat envers lui-même. Par où l’on voit qu’il n’y a ni ne peut y avoir d’autre loi fondamentale proprement dite que le seul pacte social. Ce qui ne signifie pas que le corps politique ne puisse, à certains égards, s’engager envers autrui ; car. par rapport à l’ctranger. il devient un être simple, un individu.

Les deux parties contractantes, savoir chaque particulier et le public, n’ayant aucun supérieur commun qui puisse juger leurs différends, nous examinerons si chacun des deax reste le maître de rompre le contrat quand il lui plaît, c’est-à-dire d’y renoncer pour sa part sitôt qu’il se croit lèse.

Pour éclaircir cette question, nous observerons que, selon le pacte social, le souverain ne pouvant agir que par des volontés com^mimes et générales, ses actes ne doivent de même avoir que des objets généraux et communs ; d’où il suit qu’un particulier ne saurait être lésé directement par le souverain qu’ils ne le soient tous, ce qui ne se peut, puisque ce serait vouloir se faire du mal à soi-même. Ainsi le-