Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/48

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intentions telles qu’elles nous apparaissent, et laissé entrevoir ce qui ressortira plus clairement de notre commentaire, à savoir que l’idée, du Contrat est moins pour lui une vérité philosophique, ou une loi de l’histoire, qu’une arme capable de détruire l’Église et la Royauté. Esquissons a grands traits le raisonnement qui se cache, comme un homme armé, dans ce cheval de Troie du Contrat social.

L’homme naît libre, d’un naturel pacifique et ami du repos ; pour s’assurer la jouissance paisible de ses biens, il a renoncé autrefois à son indépendance, en contractant une société. Par ce pacte, il ne voulait pas aliéner sa liberté, mais seulement garantir l’ordre social, ce droit sacré qui sert de base a tous les autres. Des circonstances, trop éloignées pour être déterminées exactement, l’ont rendu esclave et ramené par suite à l’état de nature ; le pacte primitif qui le liait se trouve rompu. Que fera-t-il ? Un être vraiment heureux serait un être solitaire. Mais Dieu seul jouit du bonheur absolu. Nous dépendons des choses et même, en fait, des hommes, de nos parents, aussi longtemps, du moins, que leur aide est nécessaire a notre conservation. Des besoins communs et le sentiment de misères communes nous rendent sociables et nous rapprochent de nos semblables. Or c’est de l’état politique, que l’homme préférera, que doit dépendre son bonheur ; il sera tel que le gouvernement de son choix l’aura fait. Le Contrat social, seul pacte légitime, établit la souveraineté de la loi sur tous les citoyens en général et sur chaque citoyen en particulier. Cette souveraineté est inaliénable et indivisible. Elle ne peut se transmettre ni se partager ; tous sont égaux pour toujours et solidaires les uns des autres. Dans cet état, l’homme ne peut conserver la primauté des sentiments primitifs, il est avant tout citoyen. La volonté générale est armée d’une force supérieure à toutes les volontés particulières pour prévenir le désordre et les vices qui naissent très vite dans une société mal ordonnée.

Mais cette volonté générale, qui est la puissance législative, a besoin d’un instrument qui la mette en mouvement, c’est-à-dire d’une puissance qui serve d’intermédiaire entre les sujets et le souverain et soit chargée de l’exécution des lois et du maintien de la liberté tant civile que politique. C’est le gouvernement.