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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/488

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APPENDICE IX. 415 44 Je suis, monsieur, si pressé, si accablé, si surchargé de lettres, que ie ne puis vous ieter ici quelques idées qu’avec la plus grande rapi- dité. Je voudrais pouvoir entreprendre ce mémoire, mais cela m’est absolument impossible et j’en ai bien du regret, car, outre le plaisir de bien faire, j’y trouverais un des plus beaux sujets qui puissent honorer la plume d’un auteur. Cet ouvrage peut étre un chef·d’muvre de politique et d’éloquence, pourvu qu’on y mette le temps; mais je ne crois pas qu’il puisse étre bien traité par un théologien. << Je vous salue, monsieur, de tout mon coeur. » Lettre d M. de Beaumont (Extrait). 44 En considérant la seule raison d’Etat, peut·étre a-t·on bien fait d’6ter aux protestants francais tous leurs chefs, mais il fallait s’arréter la. Les maximes politiques ont leurs applications et leurs distinctions. Pour prévenir des dissensions qu’on n’a plus a craindre, on s'6te des ressources dont on aurait grand besom. Un parti qui n’a plus ni grands ni noblesse in sa téte, quel mal peut-il faire dans un royaume tel que la France? << Si j’étais roi, non; ministrc, encore moins, mais homme puissant en France, je dirais : 44 Tout tend parmi nous aux emplois,aux charges; tout veut acheter le droit de mal faire; Paris ct la cour engouffrent tout. Laissons ces pauvres gens remplir le vide des provinces; qu’ils soient marchands, et toujours marchands; laboureurs, et touiours laboureurs, Ne pouvant quitter leur état, ils en tireront le meilleur parti possible; ils remplaceront les notres dans les conditions privées dont nous cherchons tous a sortir; ils feront valoir le commerce et l’agriculture que tout nous fait abandonner; ils alimenteront notre luxe; ils travailleront, et nous jouirons. » u Si ce projet n’était pas plus équitable que ceux qu’on suit, il serait du moins plus humain, et silrement il serait plus utile. C’est moins la tyrannie et c'est moins l’ambition des chefs que ce ne sont leurs pré- jugés et leurs courtes vues qui font le malheur des nations. <¢ Le seul cas qui force un peuple ainsi dénué de chefs a prendre les armes, c'est quand, réduit au désespoir par ses persécuteurs, il voit qu’il ne lui reste plus de choix que dans la maniére de périr. Telle fut, au commencement de ce siécle, la guerre des camisards. Alors on est tout étonné de la force qu’un parti méprisé tire de son désespoir; c'est ce que jamais les persécuteurs n’ont su calculer d’avance. Cependant de telles guerres coutcnt tant de sang, qu'ils dcvraient bien y songer avant de les rendre inévitablcs... »