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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/491

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était présidé par un membre du petit Conseil, qui portait le titre de lieutenant. Deux châtelains, élus de meme, exercaient dans la campagne le meme pouvoir que le tribunal dans la ville.

Le militaire de la république se composait d’une garnison soldée de sept cent vingt hommes, divisés en douze compagnies; de quatre regiments de milice bourgeoise, commandés par des membres du petit Conseil. Il y avait en outre trois cents artilleurs et une compagnie de dragons.

Tout citoyen en charge était sujet au grabeau, véritable censure, dont l’usage meme subsiste encore, mais beaucoup restreint et modifié. Voici quelle en était la forme : chaque conseil s’assemblait in une époque déterminée pour grabeler ses subordonnés, et meme, en certains cas, ses propres membres. En l’absence du grabelé, chaque membre, opinant A son tour, disait ce qu’il pensait du sujet dont il s’agissait, tant en bien qu’en mal. Un certain nombre d’opinions défavorables était pour le grabelé un titre d’exclusion; mais, dans les temps tranquilles, cette exclusion était A peu pres sans exemple, et le président du corps grabelant, qui venait rendre compte du résultat de l’opération au grabelé, n’avait, pour l’ordinaire, e lui faire que des compliments. Les candidats pour un office étaient également, avant l’élection, grabelés par les corps élisants.

Outre cette censure dans l’ordre politique, il en existait une seconde dans l’ordre moral, exercée d’un coté par le Consistoire, de l’autre par la Chambre de ref/’orme. Cette Chambre, composée d’un syndic et de quelques membres du petit Conseil et du Deux·Cents, veillait uniquement A la répression du luxe et au maintien des lois somptuaires.

Quand des citoyens ou bourgeois, réunis en plus ou moins grand nombre, adressaient, sous forme de representations, soit au petit Conseil, soit au Deux-Cents, leurs plaintes ou griefs contre quelque transgression de loi ou empiétement d’autorité, chacun de ces deux Conseils faisait souvent valoir, pour toute raison, ce qu’ils appelaient leur droit négatif, droit par lequel ils se prétendaient autorisés a rejeter, sans étre tenus d’en donner aucun motif, les demandes qui leur étaient faites.

Tous ces documents nous sont fournis par deux historiens genevois (1), et l’un d’eux y ajoute cette observation que le gouvernement de Geneve, sous ces formes populaires en apparence, formait une véritable aristocratie héréditaire. ii Un assez petit nombre de familles patriciennes étaient en possession des honneurs et des places importantes. Les affaires de l’Etat se traitaient presque uniquement dans le petit Conseil ou dans celui des Deux·Cents, et le Conseil général n’était assemblé chaque année que pour quelques élections, et

(1) D’Yvernois, Tableau des deux dernieres revolutions de Geneve, 1789, 2 vol. in-8, Picot, Histoire de Geneve, 1841, 3 vol. in-8.