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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/50

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Ce système assurerait une paix perpétuelle entre les peuples. Mais ce qui est utile au public ne s‘introduit guère que par la force, attendu que les intérêts privés, et en particulier ceux des monarques et de leurs ministres, y sont presque toujours opposés. Donc, les ligues fédératives ne pourront s’établir que par des révolutions.

Affranchies ainsi dans leurs relations extérieures, les républiques, doivent également s’émanciper dans leur constitution interne du pouvoir ecclésiastique. Le droit que le pacte social donne aux souverains sur les sujets ne passe pas les bornes de l’utilité commune. Les croyances des citoyens n’intéressent l’État qu‘autant qu’elles se rapportent à la morale. Chacun peut avoir au surplus telles opinions qu’il lui plait. Il y a une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas comme dogme de religion, mais comme sentiments de sociabilité sans lesquels il est impossible d’être bon citoyen ou sujet fidèle. L’existence de la divinité puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante, la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la sainteté du Contrat social et des lois, voila les dogmes positifs, lesquels doivent être énoncés avec précision, sans explications ni commentaires. Le seul dogme négatif c’est l’intolérance ; les religions qui la prêchent doivent être exclues. Le catholicisme est une de ces religions que l’État ne peut tolérer à moins que l’État ne soit l’Église et le prince le pontife. Un tel culte ne conviendrait que dans un gouvernement théocratique. Mais cette forme de gouvernement ne saurait être bonne, car la république est le seul bon gouvernement, comme on l’a prouvé, et l’on ne peut concevoir une république chrétienne, l’un de ces deux mots excluant l’autre. Le christianisme ne prêche que servitude et dépendance. Les vrais chrétiens sont faits pour être esclaves.

Tel est, en substance, le système du Contrat social. Pacifique dans son but final, bien que révolutionnaire dans ses moyens immédiats, il tend à établir la concorde entre les citoyens d’un même pays, et entre les peuples d’un même univers. Mais si l’amour des lois est la passion civile qui doit unir, comme un ciment inaltérable, les membres de chaque corps politique, par quel lien moral plus fort que les intéréts sera-t-il possible