Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/54

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et montre sa république idéale, comme une terre promise, aux peuples qu’il veut tirer d’esclavage.

On remarquera sans doute, dans les références qui commentent le texte, que je m’abstiens de toute réflexion personnelle. J’ai voulu faire mieux connaître Rousseau ; mais je ne m’érige pas en censeur ni en apologiste de ses idées particulières. Je laisse ce soin aux aristarques plus ou moins autorisés, qui prétendent mener l’opinion ; les uns, sentencieux et tranchants, la plume levée comme une férule ; les autres, légers et badins, avec des airs détachés et un scepticisme à la Renan. La gent bourdonnante et venimeuse des critiques, cette plaie du jour, qui semble avoir rencontré en France son pays d’élection, s’attaque à tout et à chacun, sans raison, sans mesure, comme poussée par la frénésie aveugle d’une sorte de besoin professionnel. Rien ne manque a ces oracles pour être crus ou écoutés ; l’aplomb, la suffisance, l’affirmation hautaine, le verbe insolent. Sincères aussi, ils le sont plus qu’ils ne pensent eux-mêmes, étant les premières dupes des fausses notions qu’ils ont répandues. Le plus souvent, c’est la compétence seule qui leur fait défaut. Laissons ces gâcheurs d’encre maltraiter Rousseau, si tel est leur bon plaisir. Quant à moi, trop heureux si je puis trouver quelques lecteurs, je n’ai pas fait métier d’érudit : c’est pour mon contentement et non pour une spéculation de librairie que j’ai composé ce livre. Admirateur déclaré de Rousseau, j’ai cherché à mettre en un meilleur jour l’œuvre à laquelle il attachait le plus de prix et dont il n’existait aucune édition critique. En faisant paraître ce modeste essai, j’aimerais à me persuader qu’il n’a pas seulement besoin de la bienveillance du public, mais aussi qu’il en est digne.