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DU
CONTRAT SOCIAL
OU
PRINCIPES DU DROIT POLITIQUE


Fœderis æcquas
Dicamus leges.
Virg., Æneid., Xl.


LIVRE PREMIER


Je veux chercher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’administration légitime et sure, en prenant les hommes tels qu’ils sont et les lois telles qu’elles peuvent être[1]. Je tâcherai d’allier toujours, dans cette recherche, ce que le droit permet avec ce que l’intérêt prescrit, afin que la justice et l’utilité ne se trouvent point divisées[2].

J’entre en matière sans prouver l’importance de mon sujet. On me demandera si je suis prince ou législateur pour écrire sur la politique. Je réponds que non, et que c’est pour cela que j’écris sur la politique. Si j’étais prince ou législa-

  1. R. Émile, liv. IV. — Il faut étudier la société par les hommes, et les hommes par la société, ceux qui voudront traiter séparément la politique et la morale n’entendront jamais rien à aucune des deux.
  2. Platon, La République, liv. V. — Ne nous étions-nous pas proposé d’examiner si cette nouvelle institution était possible et en meme temps avantageuse ?…

    Machiavel, Discours sur la 1re Décade de Tite-Live, dédicace}}. — « J’ai tdché d’y renfermer tout ce qu’une longue expérience et une recherche assidue ont pu m’apprendre en politique. »

    Spinoza, Tractatus politicus, chap. i. — Quum igitur animum ad politicam applicuerim, nihil quod novum vel inauditum est, sed tantum ea quæ cum praxi optime conveniunt, certa et indubita ratione demonstrare, aut ex ipsa humanæ naturæ conditione deducere intendi.