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Page:Rousseau - Du contrat social éd. Dreyfus-Brisac.djvu/87

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30 DU CONTRAT SOCIAL. état (1). Alors cet état primitif ne peut plus subsister; et le genre humain périrait s`il ne changeait sa maniére d’étre (2). Or, comme les hommes ne peuvent engendrer de nou- velles forces, mais seulement unir et diriger celles qui (1) Pnaros, La République, liv. Ii. — Glaucon : Iicoute donc quelle est, selon l’opinion commune, la nature et l’origine de la justice. C’est, dit-on, un bien en soi de commettre l’injustice et un mal de la souiirir. Mais il y a plus de bien A la commettre que de mal A la soutfrir. Cest pourquoi les hommes ayant essayé des deux et s’étant nui longtemps les uns aux autres, les plus faibles ne pouvant éviter les attaques des plus forts ni les attaquer A leur tour, jugerent qu’il était de l’intérét commun d’empécber qu’on ne fit et qu’on ne recut aucun dommage. De IA prirent naissance les lois et les conventions. On appela juste et légitime ce qui fut ordonné par la loi. Telle est l’origine et l’essence de la justice. Elle tient le milieu entre le plus grand bien, qui consiste A pouvoir étre injuste impunément, et le plus grand mal, qui est de ne pouvoir se venger de l’injure qu’on a souiierte. On s’est attaché A la justice, non qu’elle soit un bien en elle- méme, mais parce que l'impuissance ou l'on est de nuire aux autres la fait regarder comme telle. Car celui qui pCut étre injuste et qui est vraiment homme n'a garde de s’assujettir A une pareille convention, cc serait folie de sa part... Socrate : Ce qui donne naissance A la société, n'est-ce pas 1’impuis- sance oi: chaque homme se trouve de se suffire A lui-méme et le besoin qu'il éprouve de beaucoup de choses... Batissons un Etat par la pensée. Ce seront nos besoins, évidemment, qui en seront le fondement. Antsrom, Politique, liv. I, ch. 1. — La nature pousse donc instinctive- m¢nt tous les hommes A l’association politique. Le premier qui l’institua rendit un immense service, car si l‘homme parvenu A toute sa perfection est Ie premier des animaux, il en est aussi bien le dernier quand il vit sans loi et sans justice. Il n’est rien de plus monstrueux, en effet, que l’injustice armée... La justice est une nécessité sociale, comme le droit est la régle de l’asso- ciation politique, etla décision du juste est ce qui constitue le droit. Mowrssqutzu, Esprit des Iois, liv. I, chap. 111, nas 1.o1s 1·os1r1v¤s. - Sitot que les hommes sont en société, ils perdent le sentiment de leur faiblesse, L’égalité qui était entre eux cesse et l’état de guerre commence. Chaque société particuliére vient A sentir sa force, ce qui produit un état de guerre de nation A nation. Les particuliers dans cheque société commen- cent A sentir leur force, ils cherchent A tourner en leur faveur les princi- paux avantages de cette société, ce qui fait entre eux un état de guerre. Ces deux sortes d’état de guerre font établir des lois parmi les hommes. Une société ne saurait subsister sans gouvernement. La reunion de toutes les forces particuliéres, dit trés bien Gravina, forme ce qu’on appelle l'état politique. ' (2) Bossutrr, Politique tirée de l’E'crzture sainte, liv. I (Conclusion). — Pour conclure tout ce livre et le réduire en abrégé : la société humaine peut etre. considérée en .deux manieres : Ou en tant qu’elle embrasse tout le genre humain comme une grande famille; ou en tant qu’elle se réduit Q.