Page:Rousseau - La Monongahéla, 1890.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
La Monongahéla

trer avant de mourir. Il acheva, dans l’intervalle, ce qui lui restait à dire de son bréviaire pour ce jour-là. Car, quelque incommodité qu’il eût dans le voyage, il voulait le réciter jusqu’au dernier jour de sa vie.

Après avoir entendu les confessions de ses bien-aimés compagnons, il les envoya prendre un peu de repos. Quand il sentit que l’agonie approchait, il les appela, et, remettant à l’un d’eux le crucifix qu’il portait à son cou, il le pria de le tenir élevé en face de lui. Portant les yeux sur cette image bénie, la fixant de son regard, il fit sa profession d’une voix ferme, remercia Dieu de la grâce incomparable qu’il lui faisait de mourir jésuite, missionnaire et abandonné au milieu du désert.

Il se tut ensuite et se recueillit, laissant échapper de temps à autre quelques pieuses aspirations. Il entra enfin en agonie, mais une agonie douce, tranquille ; ses lèvres mourantes murmurèrent les noms de Jésus et de Marie qu’il prononça plusieurs fois. En même temps, comme si quelque chose se fut présenté devant ses yeux, il les éleva tout d’un coup un peu au-dessus du crucifix, et regardant toujours fixement du même côté, le visage souriant et tout enflammé, il rendit paisiblement sa belle âme à son créateur, un samedi, le 19 mai 1675, entre, onze heures et minuit.[1]

  1. Relations des Jésuites.