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Page:Rousseau - La Monongahéla, 1890.djvu/127

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La Monongahéla

remarque dans cette foule dont les ancêtres viennent de la Catalogne ou de l’Andalousie. Ce n’est que ceintures aux mille couleurs, corsages brodés, vestes de velours, bas à coins élégants, guêtres bariolées, souliers à boucles d’argent, légères mantilles jetées sur la tête au travers desquelles brillent les yeux noirs.[1]

Dans une loge spécialement réservée à cet effet, Don Pedro de Vilescas, le commandant du fort, vient de prendre place avec sa fille Dona Maria, et Don Gusman de Santocha, l’alcade de la ville.

La plume ne saurait rendre la richesse de cette beauté qui venait assister au spectacle le plus chéri des Espagnols.

Dona Maria atteignait à peine ses dix-huit ans. Grande, admirablement faite, souple, ondoyante, l’œil superbe, habituellement demi-clos et voilé, mais dévorant quand il s’ouvrait, elle avait de lourdes nattes d’un noir bleuâtre, et montrait entre des lèvres pourprées des dents blanches comme la pulpe d’une noisette fraîche. Ses bras, ses mains, ses épaules, modelés en plein marbre, faisaient songer aux déesses. Quand elle soulevait sa paupière un peu lourde, sa prunelle lançait un jet de flammes qui se noyait aussitôt dans un fluide velouté.

Elle paraissait douée en outre d’une vive intelligence et d’une ardente sensibilité ; mais, à vrai dire,

  1. Voir Ferland, Cours d’Histoire du Canada, 2e partie, p. 407.