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La Monongahéla

— Mes vieux de la cale, dit-il, avez-vous confiance dans le vieux maître Bertrand ?

— Oui, oui, maître ! crièrent-ils tous.

— Eh bien ! pour lors voici ce que je propose, et lâche sera celui qui ne voudra pas naviguer dans mes eaux.

— Oui, oui, maître !

— Pour lors, la brise de terre peut s’élever d’un moment à l’autre, à la marée baissante, et alors, bonsoir la compagnie : le navire s’éloignera, et ni vu, ni connu. Donc, nous n’attendons pas l’arrivée du lieutenant et des camarades. Vingt-cinq bons lurons comme nous autres, bien armés et qui n’ont pas peur d’avaler leur gaffe, valent bien cent cinquante de ces anglais qui n’ont pas plus de vertu que des terriens.[1] Nous nous embarquons dans deux chaloupes et nous laissons la troisième pour le lieutenant et ses hommes s’ils arrivent avant que la danse soit finie.

— En voyant ces deux chaloupes, ils nous prendront à bord du navire pour des pêcheurs, et ça leur fera un effet moral d’autant plus drôle quand ils s’apercevront à quelle espèce de durs à cuire ils ont affaire. Nous montons à l’abordage et nous prenons

  1. Pas plus de vertu pour pas plus de force, locution encore en usage dans nos campagnes.