d’un champ voisin et prenait sa course dans la direction de la villa de M. de Vaudreuil.
D’un seul coup d’œil, Daniel jugea la gravité du spectacle qui s’offrait à ses yeux.
Irène de Linctôt, sortie du couvent au mois de juin, venait d’atteindre ses dix-huit ans. Plusieurs fois la semaine, le jeudi surtout, la jeune fille se rendait, accompagnée d’un seul domestique, d’abord à l’Hôpital-Général pour saluer ses maîtresses auxquelles elle avait voué l’affection la plus reconnaissante, puis ensuite à la ferme où elle passait le reste du jour à courir les champs,
… Les prés, les bois, les bosquets, les chemins,
Les cheveux sur le cou, les lèvres frémissantes,
Conduisant sur ses pas un essaim de gamins !
Les gamins, c’était les enfants du fermier, un petit garçon de neuf ans et une adorable petite fille de cinq années, dont Irène était folle.
Ce jour-là, assise sur le gazon, en compagnie des petits enfants, son large chapeau de paille à ses pieds, Irène était à leur tresser des couronnes avec des marguerites des champs et des fraisiers en fleurs, quand, tout à coup, deux garçons de labour passèrent auprès d’elle à toutes jambes en criant : « Sauvez-vous, un chien enragé ! »…
La jeune fille, en se levant l’enfant dans les bras, aperçut un énorme terreneuve, la langue pen-