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La Monongahéla

est exposé aux plus désagréables rencontres, si jamais tu te trouvais à l’improviste en face d’une armée d’Anglais, d’Écossais ou d’autres armées quelconque, attache-moi un chiffon comme celui-ci au guidon du général ennemi, et tu le verras subitement tourner les talons avec toute son armée, ni plus ni moins qu’un chien auquel on a attaché une vieille chaudière à la queue. Voilà, mon garçon.

— Mais si nous sommes un contre vingt, nous serons toujours bien tous massacrés ! Le commandant devrait demander six ou sept gros vaisseaux en France et…

— Pourquoi pas toute la flotte ? interrompit le vieux maître d’une voix tonnante. Ne faudrait-il pas que le roi lui-même se mit en marche avec toutes ses troupes de France et de Navarre pour conserver la fraîcheur du teint de monsieur Pompon-Filasse. Le commandant, dis-tu, cabillot ? Tu vas t’amuser à épiloguer sur les idées du commandant, toi, à présent ? Assistes-tu à ses conseils ? Connais-tu seulement la différence d’un nœud plat avec un nœud franc ? J’en doute, et voici pourquoi, j’en doute : c’est que tu es complètement étranger à la théorie de l’effet moral. Comprends-tu ?

— Non, maître, fit Pompon tout-à-fait interloqué.

— Ainsi, tu ne peux pas te fourrer dans la tête qu’il y a une crânerie délicieuse et un effet moral renversant dans le simple fait d’opposer un canadien