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il ne saurait au moins être heureux sans elle, que les afflictions du juste ne sont point sans quelque dédommagement, et que les larmes mêmes de l’innocence sont plus douces au cœur que la prospérité du méchant.

(L. à Vemes, 1758.)

— Eh quoi, mon Dieu ! le juste infortuné en proie à tous les maux de cette vie, sans en exempter même l’opprobre et le déshonneur, n’aurait nul dédommagement à attendre après elle, et mourrait en bête après avoir vécu en Dieu ? Non, non, Moultou ; Jésus que le siècle a méconnu, parce qu’il est indigne de le connaître ; Jésus qui mourut pour avoir voulu faire un peuple illustre et vertueux de ses vils compatriotes, le sublime Jésus ne mourut point tout entier sur la croix ; et moi qui ne suis qu’un chétif homme, plein de faiblesses, mais qui me sens un cœur dont un sentiment coupable n’approcha jamais, c’en est assez pour qu’en sentant approcher la dissolution de mon corps, je sente en même temps la certitude de vivre.

(L. à Moultou, 1769.)

— Le Dieu que j’adore ne m’a point doué d’un entendement pour m’en interdire l’usage ; me dire de soumettre ma raison, c’est outrager