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Voilà l’état de misère auquel le peuple est réduit, misère qu’il supporte avec patience, avec héroïsme, parce qu’il le croit nécessaire pour sauver le pays.

Eh ! bien ! dussé-je y laisser ma vie, il faut que justice se fasse, que les coupables rendent gorge et soient punis. Je le dois à Dieu, je le dois à ce pays qui m’a vu naître, je le dois au roi qui m’a confié cette colonie, je me le dois à moi-même !…

Ah ! vous le comprenez vous-même que ce règne n’a que trop duré ; vous entendez le tonnerre présageant l’orage, qui gronde ; vous sentez la place qui va sauter sous vos pas puisque déjà vous préparez la contre-mine, que vous cherchez à jeter sur d’autres épaules la responsabilité de tous vos méfaits. Mais je suis là, moi !…

— Je ne comprends pas, fit Bigot troublé de se voir démasqué, je ne comprends pas vos allusions, et…

— Je vais m’expliquer, monsieur : —

Quand j’ai appris — de source la plus autorisée, daignez m’en croire — que vous aviez intéressé M. de Grodefroy dans la société de l’Occident pour une forte somme, croyez-vous que je n’ai pas deviné votre but, surtout, quand plus tard vous l’en avez fait nommer le gérant ?

— Mais suis-je la compagnie, moi ?