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voulait du mal, qu’on ne l’aimait pas, qu’on médisait en arrière sur son compte.

Il voyait sans cesse des maux suspendus comme autant d’épées de Damoclès sur sa tête, et quand il jetait un coup d’œil sur l’avenir il ne voyait que pièges tendus ; alors il frémissait, il pâlissait, il gémissait, sans bien précisément savoir pourquoi, par suite d’une habitude prise.

M. de Godefroy avait heureusement fait un mariage excellent. Mademoiselle de Mortemart n’était certainement pas riche, mais elle était douée des qualités manquant, à son mari, qualités que nous retrouverons dans sa fille plus tard : énergie puissante, clarté dans les vues, persévérance dans les idées, afin d’arriver au but.

Tant qu’elle vécut, M. de Godefroy se laissa guider par sa femme qui avait pris sur lui un empire absolu.

Aussi vivait-il calme et tranquille, se persuadant que ce calme et cette tranquillité ne provenaient que de son énergie ; car, comme la plupart des hommes faibles, loin de reconnaître ses défauts, M. de Godefroy prenait chacun d’eux pour une qualité.

Quelques années après son mariage, Dieu lui donna une fille. Une maladie de l’enfant coûta la vie de la mère par excès de soins donnés.