Page:Rousseau - Le château de Beaumanoir, 1886.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 60 —

— Il n’est plus de bonheur possible, pour moi maintenant, dit Louis Gravel.

— Que dites-vous, monsieur, vous n’êtes qu’au seuil de la vie, et déjà vous désespérez ! À votre âge vous vous laisseriez vaincre par un grand chagrin qui n’existe sans doute que dans votre imagination.

— Mademoiselle, fit le jeune homme, semblant prendre une résolution extrême, aussi bien vaut-il mieux vous dire tout de suite ce que je ressens au fond de mon cœur, car c’est peut-être la seule fois que j’aurai le bonheur de vous approcher. Vous savez que je vous aime à en mourir, et cependant l’on ne parle ce soir, dans ce bal, que de votre prochains mariage avec l’intendant Bigot.

Pour la première fois, depuis quinze jours, je retrouve mon cœur, je retrouve mon âme, car je ne vivais plus que par le souvenir ; depuis quinze jours, j’ai compté les heures, les minutes, les secondes qui ont été pour moi autant de siècles. Je savais que vous viendriez ce soir et que je pourrais vous rencontrer ; contre mon habitude, j’ai accepté avec reconnaissance une invitation de M. de Vaudreuil, qui me veut du bien, et je suis venu ici pour apprendre que vous allez appartenir à un autre……

— Et qui vous dit que je l’aime, cet homme ?