Page:Rousseau - Les Confessions, Launette, 1889, tome 2.djvu/299

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« À Versailles, ce mardi. (Liasse C, n° 43.)

« Je suis ravie, je suis contente ; votre lettre m’a fait un plaisir infini, et je me presse pour vous le mander et pour vous en remercier.

« Voici les propres termes de votre lettre : Quoique vous soyez sûrement une très-bonne pratique, je me fais quelque peine de prendre votre argent ; régulièrement, ce serait à moi de payer le plaisir que j’aurais de travailler pour vous. Je ne vous en dis pas davantage. Je me plains de ce que vous ne me parlez jamais de votre santé. Rien ne m’intéresse davantage. Je vous aime de tout mon cœur ; et c’est, je vous assure, bien tristement que je vous le mande, car j’aurais bien du plaisir à vous le dire moi-même. M. de Luxembourg vous aime et vous embrasse de tout son cœur. »

En recevant cette lettre, je me hâtai d’y répondre, en attendant plus ample examen, pour protester contre toute interprétation désobligeante ; et après m’être occupé quelques jours à cet examen avec l’inquiétude qu’on peut concevoir, et toujours sans y rien comprendre, voici quelle fut enfin ma dernière réponse à ce sujet :

« À Montmorency, le 8 décembre 1759.

« Depuis ma dernière lettre, j’ai examiné cent et cent fois le passage en question. Je l’ai considéré par son sens propre et naturel, je l’ai considéré par tous les sens qu’on peut lui donner, et je vous avoue, madame la maréchale, que je ne sais plus si c’est moi qui vous dois des excuses, ou si ce n’est point vous qui m’en devez. »

Il y a maintenant dix ans que ces lettres ont été écrites. J’y ai souvent repensé depuis ce temps-là ; et telle est encore aujourd’hui ma stupidité sur cet article, que je n’ai pu parvenir à sentir ce qu’elle avait pu trouver dans ce passage, je ne dis pas d’offensant, mais même qui pût lui déplaire.

À propos de cet exemplaire manuscrit de l’Héloïse que voulut avoir madame de Luxembourg, je dois dire ici ce que j’imaginai pour lui donner quelque avantage marqué qui le distinguât de tout autre. J’avais écrit à part les aventures de milord Édouard, et j’avais balancé