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Les Exploits d’Iberville

Mal entouré à son arrivée au Canada, le jeune homme fréquentait plus que de raison les mauvais sujets de la ville. Quand nous disons mauvais sujets, que le lecteur n’aille pas prendre l’expression trop à la lettre.

Les mauvais sujets de ce temps-là, dans la capitale de la Nouvelle-France, n’étaient ni des assassins, ni des détrousseurs de grandes routes ; c’était tout simplement des gens aimant un peu trop la noce. Cependant leurs excès n’en étaient pas moins déplorables. C’est ainsi qu’Urbain, après avoir battu le guet, sacrifier au dieu du jeu, était rentré plus d’une fois à son logis, situé quelque part sur la rue St-Anne, dans un état plus que voisin de l’ivresse.

Cette exécrable conduite menaçait de dégénérer en habitude invétérée, Urbain était sur le point de devenir un franc ivrogne et un fier débauché, quand Dieu lui envoya la douce influence d’une jeune fille vertueuse pour le ramener au bien.

Le jeune homme était un matin absorbé par une occupation sérieuse, un travail auquel il donnait toute l’attention dont il était capable.

Il se rasait.

La mousse onctueuse et parfumée du savon se gonflait, sous l’agitation du pinceau, en flocons diaphanes comme ces nuages légers que le soleil éclaire à l’horizon de ses derniers reflets. Le pinceau, bien fourré, semblait se plonger avec bonheur dans ces