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Les Exploits d’Iberville

du vice. Urbain admirait cette noble fierté qui avait déconcerté ses coupables projets. Dans les quelques visites chez sa jolie voisine, au lieu du rôle de triomphateur qu’il s’était fait d’avance, il était réduit à celui d’humble et respectueux soupirant. Pas un mot inconvenant, pus une parole d’amour ne sortait de sa bouche.

La jeune fille avait imposé des conditions rigoureuses s’il voulait fréquenter la maison, conditions fortement appuyées par la mère Sauvageau : n’aller plus au cabaret, que pour les repas, ne plus jouer, et ce qu’il y avait de plus difficile, rompre avec ces jeunes gens qui l’entraînaient à la débauche.

Mais on ne met pas impunément le pied dans la fange ou dans le vice : lorsqu’on l’en retire, il reste des taches que l’on n’efface pas dans un jour. Urbain, comme un cheval échappé, s’abandonnait de temps à autre à ses mauvais penchants, mais toujours en se cachant de cette jeune fille qu’il s’était pris à aimer sincèrement et qu’il redoutait comme sa conscience vivante et outragée.

Yvonne le sut et un jour, après un de ces funestes retours à ses habitudes d’autrefois, il se rendit à la demeure de la jeune fille et frappa à sa porte.

— Je n’y suis pas, répondit la jeune fille, qui voulait le punir.

— C’est donc moi qui y suis, dit Urbain en pressant le loquet et croyant entrer avec son dernier mot. Les portes ne se fermaient pas à la chute dans la