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Les Exploits d’Iberville

Après avoir été retenu dans le nord par les glaces plus de trois semaines, le Pélican se trouva dégagé. Il mit alors le cap sur le fort Bourbon sans savoir ce qu’étaient devenus les autres vaisseaux. Le quatre septembre, il en était presqu’en vue.

C’est ce jour-là précisément, un peu après quatre heures du matin, que nous avons posé le pied à bord du Pélican au commencement de ce chapitre.

Le quart venait d’être pris et la route maintenue. Tous les hommes qui n’étaient pas alors de service s’étaient groupés à l’avant, entre le mat de misaine et le beaupré, les uns nonchalamment couchés au pied du mat, les autres appuyés sur le cabestan, chiquant, crachant, fumant avec la béatitude de croyants à Mahomet rêvant au ciel des houris.

Cacatoès, à cheval sur l’extrémité du beaupré, une énorme fluxion de la joue droite causée par sa chique, le bonnet sur les yeux, interrogeait l’horizon.

Avez-vous remarqué le grand rôle que joue le bonnet chez le matelot ? Voyez-le : il vient de débarquer de retour d’une longue course, les poches bien lestées, bien décidé à faire bombance et à se dédommager des misères et des souffrances d’une longue navigation tant qu’il lui restera un rouge liard. Il est sur le quai, le nez au vent, les mains dans les poches de son large pantalon, la figure réjouie et… le bonnet bien campé sur le derrière de l’occiput. Hélas ! si vous le rencontrez deux jours après. La soute aux écus est vide tant il a mis d’entrain à l’assé-