ter le plaisir. » C’est pour cela même qu’il devrait s’en défier. « Ses premières découvertes augmentent l’avidité qu’il a de savoir. » Cela arrive en effet à ceux qui ont du talent. « Plus il connaît, plus il sent qu’il a de connaissances à acquérir. » C’est-à-dire que l’usage de tout le temps qu’il perd est de l’exciter à en perdre encore davantage. Mais il n’y a guère qu’un petit nombre d’hommes de génie en qui la vue de leur ignorance se développe en apprenant, et c’est, pour eux seulement que l’étude peut être bonne. À peine les petits esprits ont-ils appris quelque chose, qu’ils croient tout savoir ; et il n’y a sorte de sottise que cette persuasion ne leur fasse dire et faire. « Plus il a de connaissances acquises, plus il a de facilité à bien faire. » On voit qu’en parlant ainsi l’auteur a bien plus consulté son cœur qu’il n’a observé les hommes.
Il avance encore qu’il est bon de connaître le mal pour apprendre à le fuir ; et il fait entendre qu’on ne peut s’assurer de sa vertu qu’après l’avoir mise à l’épreuve. Ces maximes sont au moins douteuses et sujettes à bien des discussions. Il n’est pas certain que, pour apprendre à bien faire, on soit obligé de savoir en combien de manières on peut faire le mal. Nous avons un guide intérieur,
Montaigne « debvoit au sçavoir tout son vaillant… reprend aulcuns de ses amis d’avoir accoustumé de mettre à l’astrologie, au droict, à la dialectique et à la géométrie, plus de temps que ne meritoient ces arts ; et que cela les divertissoit des debvoirs de la vie, plus utiles et honnestes. » (Liv. ii, chap. 12.) Il me semble que dans cette cause commune, les savants devraient mieux s’entendre entre eux, et donner au moins des raisons sur lesquelles eux-mêmes fussent d’accord.